Persepolis

Persepolis se présente comme un véritable conte. Cruel et doux, ce film d’animation raconte l’enfance iranienne de Marjane Satrapi, bercé par les bombes, les renversements politiques, les révolutions, et le fascisme. Son départ précipité pour l’Autriche lui permet de vivre une adolescence normalisée, européenne, dans la banalité des coups de foudre et coups de gueules d’une fille de 16ans. Tiraillée entre deux visions du monde, Marjane nous livre le témoignage ému d’une fille perdue, bloquée sur le parvis de l’aéroport d’Orly.

Récompensé à  Cannes, félicité par la presse unanime, Persepolis est rapidement devenu la petite fierté de l’animation made in France, la gemme de l’artisanat clairvoyant. Capable aujourd’hui de rivaliser  » à  la main  » face aux monstres japonais et américains, ce film nous gratifie d’un témoignage politique d’une jeune iranienne à  quai. Marjane Satrapi, auteur de la BD Persepolis, met en scène en compagnie de Vincent Parronnaud, sa jeunesse secouée par le tumulte d’un pays qui n’a cessé d’accumuler les crises au 20eme siècle. Mais un tel dithyrambe se veut-il honnête ? Certes Persepolis est un bon film, traversé par le regard empli de candeur parfois déçu, parfois enthousiaste de la jeune Marjane, mais il lui manque peut-être une identité cinématographique propre.

En effet, cette adaptation fidèle ne se détache pas beaucoup de la BD originelle, réutilisant à  l’identique certaines scènes et dialogues. Qu’apporte la transition cinématographique ? C’est ici que pèche Persepolis : le rythme est molasson, due à  un montage classique, à  défaut d’être ingénieux. Persepolis est frappé d’une monotonie mécanique, comme si le film se soumettait constamment aux aplats des planches de dessins. Un montage enchaîné à  la bande dessinée. Alors, le film tient toujours dans un faux rythme qui aurait pu s’avérer ennuyeux s’il ne fut pas sauvé par le récit malin et touchant de Marjane Satrapi.

Car le grand mérite de Persepolis se situe indubitablement dans la manière d’aborder un récit trempé dans l’histoire si complexe d’un pays saigné à  blanc. Satrapi met en scène son enfance-adolescence comme le témoignage puissant du constat. Car ici, mis à  part quelques re-contextualisations théâtrales et nécessaires, on ne cherche ni à  expliquer, ni à  condamner la situation instable de l’Iran. La satire se déploie dans l’absurdité de situations amusantes que Marjane vit aussi bien en Iran qu’en Autriche. La mignonne naîveté de Marjane croque avec drôlerie les intégristes barbus d’Iran ou les anarchistes chevelus d’Autriche, bien aidé par la gouaille d’une mamie rebelle.
Et son témoignage pouponné par la candeur d’une vie occidentalisée (Issue d’une famille bourgeoise et cultivée, éduquée dans une école française en Iran, Marjane Satrapi a eu la chance d’être envoyé en Autriche pour continuer ses études lorsque la guerre Iran-Irak, et la révolution islamiste inquiétaient la liberté de chacun.) n’en devient que plus émouvant. Un regard effleuré sur le monde qui l’entoure, et des yeux d’une rondeur illustrant le mieux l’absurdité qui enduit les murs de la terrible noirceur à  venir. Cette qualité de regard rappelle évidemment l’illustre BD de Art Spiegelman :  » Maus  » et finalement, on distingue tout de même dans ce rapport au monde une vibration néo-réaliste. Ce regard défriché d’un enfant qui erre à  travers un pays labouré par l’histoire se rapproche du Allemagne Année Zéro (de Rossellini). Même constat, même immobilisme, même perte d’identité.

La jeune Marjane Satrapi se fige à  l’aéroport, le temps de raconter son histoire brûlante entre deux bouffées de cigarette. Retour impossible en Iran. Du moins physique. Marjane gît dans l’entre-deux identitaire du terminal d’Orly. Ce frottement entre deux cultures qu’elles ne peut concilier recouvre la film d’une gracieuse pesanteur mélancolique : on sent bien que ce bel aveu d’abandon à  sa terre d’origine pèsera à  jamais sur sa vie parisienne libérée. Malgré l’inconsistance du film à  subjuguer son histoire, faute à  une mise en scène anémique d’une adaptation trop étroite, la désinvolture de Marjane fait rayonner Persepolis d’une beauté sincère, noire et forte.

Maxime Cazin

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Film d’animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud – 1 h 45 – Sortie le 27 Juin 2007
Avec les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux …

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