L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery

eleganceherisson.jpg« Mme Michel, elle a l’élégance de l’hérisson : à  l’extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j’ai l’intuition qu’à  l’intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes »
Voilà , c’est dit. C’est expliqué. Le pourquoi du titre.

Ensuite, c’est une affaire de goûts et d’atomes crochus. A la base, elles sont deux personnalités aux antipodes. L’une est une fillette de 12 ans, l’autre est âgée de 54 ans. La première habite un appartement bourgeois avec sa riche famille, la deuxième est concierge depuis vingt-sept ans, veuve et fille de pauvres paysans.
Toutes deux sont seules mais observatrices. Elles posent sur le monde un regard intransigeant, celui d’une intelligence redoutable qu’on réprime par souci de convenance ou esprit de protection. Une enfant surdouée et une concierge raffinée, deux entités dissemblables et pourtant similaires, car toutes deux forcent à  percer la carapace, à  voir plus loin que l’apparence, à  briser les préjugés, bref à  bouleverser les codes.

Dans cet immeuble de la rue de Grenelle, les choses vont donc bouger. Une petite révolution est en cours. Paloma, 12 ans, tient rigoureusement un Journal du Mouvement du monde et des Pensées profondes avant de songer sérieusement à  se suicider le 16 juin.
Renée, 54 ans, vit seule avec son gros chat, elle est discrète et insignifiante, « petite, laide, grassouillette, des oignons aux pieds et, à  en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth ». Mais elle aime la philosophie, Marx, les films d’Ozu et les romans russes. Certes, il est dit tant de choses sur les concierges qu’elle ne peut évidemment afficher sa face réelle aux habitants de l’immeuble, alors elle se tait, elle feint, elle fait la bête et la pas-toujours-polie.
Il faut reconnaître, aussi, qu’on lui rend bien sa transparence !
Puis, arrive dans cette vie bien rangée, un nouveau propriétaire, le japonais Kakuro Ozu, veuf, érudit et passablement séduit par cette concierge qui prétend être ce qu’elle n’est pas ! Ainsi s’annonce pour notre Mme Michel « la possibilité d’un camélia » !

Tout en poésie et finesse, d’un style éminemment exquis, servi par une histoire tendre et bouleversante, le roman de Muriel Barbery est une perle de lecture qu’on parcourt d’une traite tant le plaisir est bon, savoureux, rare et irremplaçable !
Beaucoup lu et critiqué, »L’élégance du hérisson » confirme son concert de louanges. Etant moi-même une grande lectrice devant l’Eternel, je reconnais que ce roman est époustouflant, tour à  tour brillant et pointilleux, très drôle et touchant. Il vous propose une vision du monde avec tendresse, beaucoup d’humanité, non pas de façon utopique et sentimentale. C’est une lecture captivante, farcie de jolies choses, de beaux mots et d’une manière de dire ceci absolument bluffante. Et quand je parle d’émotion, c’est ici question d’un sentiment qui secoue, qui donne des frissons et vous laisse une impression de plénitude, de séduction.

Stéphanie Verlingue

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L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery
Editeur Gallimard – 368 pages, 17€¬
date de publication : 31 août 2006