La Maison

aff film_8.jpgC’est une maison nîchée au fond de l’Orne qui sert ici de trait d’union entre les différents protagonistes et cristallise leurs états d’âme. Deux amis d’un côté, deux soeurs de l’autre. Malo, en instance de divorce, père de trois enfants tout juste partis en vacances avec leur mère, et Rémi découvrent la maison lors d’une balade dominicale.

Celle-ci est mise en vente aux enchères pour une somme initiale dérisoire, celle qui représente le montant des dettes contractées par le père décédé de Chloé et Laura, deux frangines partageant le même toit depuis que Laura , jeune mère, s’est faite jeter par son mec.

La banale bâtisse va ainsi devenir un objet de convoitise, obéissant à  divers motifs. Pour Rémi, c’est simple : il la sent bien, cette maison, et il la verrait très bien comme son nouveau cadre de vie. La rencontre entre Malo et Chloé introduit une dimension sentimentale dans ce qui aurait dû être une simple transaction immobilière. Chloé, qui a beaucoup souffert de la séparation de ses parents et de la dégradation morale de son père, se refuse à  voir vendu le lieu de son enfance auquel elle se rattache comme une éperdue. Malo, en pleine déprime, très proche de sa fille, est interpelé par la douleur de Chloé et envisage, plus ou moins charmé par cette dernière, d’acheter la maison au grand dam de Rémi.

Une nouvelle fois, Manuel Poirier plonge au coeur des sentiments (amicaux, amoureux ou familiaux) qui assaillent ses personnages en pleine traversée du désert. On comprend d’autant mieux que la maison, concrète et réelle, constitue le lieu ou l’objet idéal sur lequel s’arrimer ou jeter son dévolu. Ici toutes les familles sont décomposées et en pointillés le film interroge les relations père-fille : Malo et sa petite fille momentanément loin de lui font écho à  Chloé qui n’a pas encore compris que l’on porte ses souvenirs en soi, que le lieu n’est au fond qu’un leurre ou une illusion.
La Maison, c’est comme une période entre parenthèses – le film s’ouvre et se clôt avec les mêmes scènes – pendant laquelle Malo et Chloé vont prendre conscience et réfléchir, et peut-être envisager un avenir différent, ce que suggèrent avec légèreté quelques indices.
Comme toujours chez Poirier, la campagne est préférée à  la ville – ne serait-ce que par la différence de traitement et de filmage. La Maison ravira les amateurs de ce cinéaste régulier qui s’est fait une spécialité d’ausculter avec tendresse et sensibilité les âmes torturées de ses contemporains.

Patrick Braganti

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Comédie dramatique française de Manuel Poirier – 1h35 – Sortie le 22 Août 2007
Avec Sergi Lopez, Bérénice Bejo, Bruno Salomone, Barbara Schulz