Kaboom

Gregg Araki 2_1.jpgAuteur new age et attaché aux causes gays et lesbiennes, Gregg Araki a chamboulé une certaine vision du cinéma d’auteur américain qui, tout en étant radical, sait se faire décomplexé et psychédélique, optant pour des ruptures de tons et des contraintes narratives plutôt audacieuses.

« Smiley Face » dernier film en date, contait la journée infernale d’une potiche intoxiquée aux spaces cakes ; en bon délire pop, la comédie dérivait progressivement vers une hallu totale proche du cosmique. Mais ce n’est rien face au phénomène qu’est »Kaboom » un film à  l’inverse de tout, réinventant avec mauvais goût les codes et la narration. De fait, on a envie d’aimer le film.

L’univers dégénéré que bâtit Gregg Araki récompensera assurément l’attente de tous ses fans, avec un goût particulièrement prononcé cette fois pour le non-sens. Pour apprécier le film, il semble nécessaire de partir dans l’idée qu’Araki va revoir le cinéma tel qu’il n’a jamais été programmé ; plutôt qu’un récit limpide, parfois complexifié et ponctué d’élans dramaturgiques solides ou de touches émotionnelles variées, »Kaboom » va prendre la direction inverse et imposer une vitesse rythmique qui laisse pantois. S’ajoutent à  un pitch de comédie fac (les expériences sexuelles et psychotropes d’un couple de meilleurs amis gays, Smith et Stella), des rebondissements dénués de tout sérieux qui amènent le film là  où tout réalisateur sérieux et raffiné ne l’aurait pas amené. Et c’est cette inventivité frôlant le n’importe quoi qui fait tout l’interêt du film, comme le prouve les quinze dernières minutes, explications rationnelles des divagations impossibles du récit, c’est-à -dire une résolution dont l’absurde finit par devenir sérieusement ridicule. Le problème, c’est que seules ces quinze dernières minutes ont un sens à  force de ne pas en avoir, tant l’accumulation est volontairement grotesque et comique. Il faut une heure au film pour décoller, pour se décider où aller, sur quel terrain improviser (car il s’agit là  d’une improvisation sous acide).

Ponctuant la pop-underground typique du cinéaste par des accès de délire grotesques (une sorcière lesbienne qui pratique le cunnilingus à  distance, une troupe de tueurs aux masques d’animaux, une société cachée), le film se délecte de nos craintes et de nos paranoîas stupides en les compilant et en les matérialisant, montrant ainsi l’absurdité de nos raisonnements »Kaboom » en devient une sorte de BD filant à  vitesse grand V, instoppable dans sa course effrenée vers un rire qu’il n’atteint jamais. Car à  toujours préférer le bordel à  la clarté – aussi minime soit-elle – , à  toujours vouloir supposer qu’il y a plus débile encore derrière l’énormité qui nous est soumise, Araki lâche les rennes de son film et perd tout contrôle. Le sérieux de sa patte stylistique devient une bouillie abjecte de sons et de couleurs, ses idées de mise en scène tombent à  l’eau, pompant allègrement des effets déjà  vus bien avant (scènes de drogue = large palette chromatique et décuplement…), et surtout le mélange des styles laisse surtout la fâcheuse impression qu’Araki n’en a plus aucun. Du porno au teen-movie, de la comédie pop au thriller, du film d’épouvante à  la science-fiction en seulement 1h25, difficile de se laisser aller tant tout est à  contresens et mène forcément droit dans le mur.

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Jean-Baptiste Doulcet

Kaboom
Film américain de Gregg Araki
Genre : Comédie
Durée : 1h26
Avec : Thomas Dekker, Haley Bennett, Roxane Mesquida…
Date de sortie cinéma : 6 Octobre 2010