Yema – Djamila Sahraoui

C’est une impression d’aridité et de sécheresse qui résume le mieux ce film dont l’actrice principale est aussi la réalisatrice. Aridité d’une terre rocailleuse desséchée par les vents incessants, ascétisme de la femme qui occupe les lieux qu’on découvre dans un magistral premier plan trainer derrière elle un lourd fardeau qui contient son fils militaire mort qu’elle va enterrer seule, de ses propres mains. Mais la mère a un autre fils qui a pris le maquis, peut-être impliqué de près ou de loin dans l’assassinat de son frère. Le fils maudit fait surveiller sa mère par un gardien, un homme qui a combattu auprès de lui et y a perdu une main, et revient d’abord déposer le bébé qu’il vient d’avoir puis, plus longuement, lorsqu’il a été blessé.

La rancoeur de la mère austère et fermée s’exacerbe au contact de ce fils à  qui elle refuse de pénétrer chez elle et le soulagement de sa souffrance. Le jeune gardien tente la conciliation, mais quel est vraiment son parti ? Rythmé par le passage des saisons et la renaissance des arbres fruitiers et des cultures, le film s’écoule sur un mode lent et répétitif, avec la rareté des dialogues et des événements. Néanmoins, ce qui se joue sur cette terre à  la fois désolée et grandiose tient de la tragédie grecque : unité de lieu, désespoir d’une mère inconsolable prête à  sacrifier son deuxième fils par vengeance. La bonne idée du film, c’est aussi de mettre en présence deux jeunes hommes pareillement diminués : l’un amputé d’une main, l’autre affecté d’une blessure à  la jambe qui l’affaiblit et le fait boiter. Face à  eux, la mère est le personnage fort et altier, retranchée dans sa douleur, inébranlable jusqu’à  une issue qui sait rester suffisamment floue, grâce au hors champ, pour éviter à  l’ensemble de verser dans l’explicatif et le résolu.

Patrick Braganti

Yema
Drame algérien de Djamila Sahraoui
Sortie : 28 août 2013
Durée : 01h31