[monnot-mania] Esben And The Witch – A New Nature

Esben_And_The_Witch_-_A_New_Nature

Au milieu du chemin de notre vie,
j’en vins à  me trouver en une forêt sombre,
après avoir perdu la route droite.

Ah ! qu’il est dur de dire ce qu’était
cette forêt sauvage, rude et malaisée,
dont la seule pensée renouvelle ma peur !

Elle est amère autant que l’est la mort ;
mais pour traiter du bien qu’y ai trouvé,
je dirai des autres choses que j’y ai vues.

Je ne sais bien redire comment j’y entrais,
tellement j’étais plein de sommeil, au moment
où je dus abandonner la vraie route.

Dante Alighieri, La Divine Comédie, L’Enfer, Chant I

Alors, ces gaillards-là , faut pas chercher midi à  quatorze heures »au Moyen-Age »tu n’aurais pas cherché à  savoir s’ils pesaient plus ou moins lourd qu’un canard »c’était direct le bûcher !

J.’ouvre la chronique sur le premier chant de l’Enfer parce que cette histoire de forêt sombre est le premier truc auquel j’ai pensé en écoutant  » A New Nature  » d’Esben And The Witch« à  l’image de »The Jungle » (justement) quatrième morceau de l’album, dantesque du haut de ses quatorze minutes et quelques secondes de navigation à  l’aveugle. Le principe et simple et se déroule tout du long des huit titres : voici l’oeuvre la plus épique qu’il m’ait été donnée d’écouter depuis ma découverte effarée du Godspeed You Black Emperor ! A la différence des québécois montant à  quasi-dix sur scène, le jeune groupe de Brighton ne compte que trois membres. Les instrumentations sont donc différentes mais le principe de base est le même : calme plat – raz de marée – calme plat – raz de marée »ad lib »ou montagnes russes en bois vermoulues et écrous corrodés par la rouille. C.’est pareil !

Te voilà  donc embarqué pour tu sais pas où, et moi ça »j’adore ! Quand la tempête – shakespearienne of course parce qu’il y a une vraie ampleur dramaturgique et littéraire dans ce son – se lève, elle ne fait pas semblant, toute en tome basse-ride, guitare hurlante complètement réverbérée, claviers émaciés, trompette d’outre-tombe et basse distordue – la plus dégueulasse de l’histoire du rock.’n’roll depuis facile Christian Death et  » This is heresy  » !

Avis aux amateurs.

Y.’a du Joy Divison aussi là -dedans »

Le clou du spectacle, c’est la voix. Esben And The Witch – en gros le petit poucet et la sorcière pour le raccourci et éviter d’aller m’engluer dans les contes et légendes danoises – aurait pu se contenter d’un braillard lambda pour en rajouter au chaos mais non. Le trio a planté derrière le micro la frêle et jolie Rachel Davies empêtrée derrière sa basse de l’enfer. Comment te dire »la jeune femme est une sorte d’hybride idéal entre Beth Gibbons et ma chère et tendre Polly Jean Harvey, capable de te susurrer des mots doux à  l’oreille comme de t.’arracher – toujours avec beaucoup d’élégance et un grain cristallin – les tympans comme sur le final apocalyptique de  » No Dog « .

« A New Nature » est un album ahurissant, hypnotisant, tout en contraste et en énergie sismique parfaitement maîtrisée. Bien évidemment, je ne connaissais absolument ces jeunes fous il y a encore deux semaines, alors, avec curiosité, j’ai fait un bon dans leur discographie du temps où ils étaient signés – rien que ça – chez Matador. Pour ce troisième opus, ils ont créé leur propre label, Nostromo Records, et se sont libérés de pas mal de freins créatifs.

Alors pour faire mentir le vieil adage nostalgeo-populo, Esben And The Witch, c’était pas mieux avant »et ça défonce tout maintenant. Gros gros coup de coeur !

Stephane Monnot