Halt and catch fire – saison 1

halt and catch fire

Halt and catch fire est une série de geeks. Si si. Enfin une série qui parle de geeks, pas réalisée pour les geeks. Même si je suis persuadé que cette dénomination rapide, a fait pas mal de tort à son vivier d’audience.

Halt and catch fire, série américaine de  Chrisophe Cantwell et Christopher C doit son nom à une référence de geek depuis les début de la programmation: une série de lignes de code consécutives, cachées dans chaque programme, chaque OS, commanderait à l’ordinateur de s’arrêter, et de prendre feu sur le champ. Cette blague potache de programmeur démontre à la fois les craintes que suggèrent leur métier, et la crédulité de ceux qui emploient leurs services.

Voilà pour le titre. Là aussi, tu lis ça et tu te dis: « ouais super une série qui parle de programmeurs, dont même le titre est une blague de codeur ». Oui c’est sûr maintenant, le pitch de la série ne la sert pas vraiment, surtout qu’à la même époque est sortie Silicon Valley, une série qui semble plus abordable sur les heurts et malheurs de la vie dans la banlieue High tech de San Francisco.

Et pourtant… Alerté par quelques bonnes rumeurs via twitter, et appâté par  la BO signée Trentemöller (une série qui choisit un groupe d’intelligent tech pour signature peut-elle être réellement mauvaise?); je me suis laissé aller à la suivre compulsivement en novembre 2014, quand elle a été diffusée sur Canal. Oui Canal, aucune chaîne francophone n’ayant pour le moment décidé d’acheter les droits de diffusion en clair (mais on la trouve par tous les fourgues stream et autres habituels, ce qui est bien sûr très mal).

Plus qu’une histoire de geek, un nouveau Mad Men

Alors oui, il y a une histoire de geek, à la base de la série. On navigue au tout début des années 80 dans une petite ville du Texas. La série démarre au moment où un brillant ingénieur passionné de micro informatique, croise le chemin d’un commercial brillant démissionnaire d’IBM. Le premier est persuadé d’être capable d’inventer un ordinateur personnel performant, meilleur que ceux que les « géants » proposent à l’époque (Texas Instrument, IBM); le second semble avoir une revanche à prendre, sur son ancien employeur et sur la vie.

Mais franchement, ce n’est pas un dialogue d’initié. Comme Mad Men décrivait le monde de la publicité dans les années 60, Halt and catch fire est avant tout une peinture du début des années 80.  On y croise biens sûr les micro ordinateurs et les technologies que tous les pré-quarantenaires ont vu naître. Ici le bakélite est roi, l’écran LCD noir et blanc ou noir et bleu ou noir et vert est roi. Et quand les inventeurs de génie potassent sur un ordinateur portable, ils sont avant tout abasourdis par leur capacité à le faire tenir dans une grosse valise, et sur la capacité de l’engin à faire du traitement de texte….

Peinture d’époque, tout, des voitures aux relations humaines en entreprise , la place des rêveurs, le début de l’économie numérique, la rôle attendu de la femme dans la société, y sont traités avec grande intelligence, c’est à dire sans lourdeur. Simplement en glissant les références en « décor de l’histoire ».

Et puis, vraiment, retrouver les Ford Taurus, les gros breaks américains des deux font la paire,  les intérieurs de maisons, les fringues… Ou de croiser des hourras admiratifs devant un jeu à la pac man et MS-DOS, tous les gens qui ont connu les disques mous (les floppys) y voient un plaisir personnel énorme. Franchement, à l’auteur de ces lignes en train de bloguer depuis son PC de bureau en Windows 7, il y a un plaisir nostalgique latent: notamment quand les héros essaient des concurrents Atari, Commodore, qu’on a soi-même essayé à l’époque.

Des trouvailles de scénario pour sortir de la série pour codeurs

Les scénaristes font un boulot somptueux. L’informatique, la monomanie, la culture du développement dans les garages sont comme un décor imprégnant, oui juste comme dans Mad Men, qu’on arpente même si on a strictement aucune idée du monde de l’informatique.

On se prend de sympathie pour l’ingénieur qui passe du statut de paria planqué à quasi flambeur, on goûte avec plaisir le golden boy qu’on croirait tout droit sorti d’un livre de Jay Mc Inerney ou Brett Easton Ellis, on loue aussi la trouvaille qui consiste à introduire une développeuse anachronique, pas loin d’être dans la série l’esprit de ce que seront les chantres de la nouvelle économie 2.0 à la recherche de kif, de travail dans un cadre plus déstructuré, avec des priorités tournées vers l’échange, le ludique, le service à l’utilisateur, et une grosse grosse dose de punk attitude. Cameron Howe, développeuse blonde platine incarne tout ce que sera l’entreprise numérique d’après le boom d’internet, soit un anachronisme de près de vingt ans avec l’époque décrite et un contrepoint fendard à la précision historique.

Chiadée du décor et de l’atmosphère, Halt and Catch Fire nourrit son scénario des grands jalons de l’informatique personnelle de l’époque. La miniaturisation met l’entreprise fictive face aux inventions bien réelles de l’époque vendues par IBM, Texas Instrument, Casio, Tandy… Elles obligent les protagonistes à changer de perspective, quasiment perpétuellement au fil de la saison. Idem pour le développement des OS, pierre angulaire de l’évolution de la saison 1 (oui c’est possible sans une seconde être chiant) , on pense très souvent à un certain Steve Jobs et ses copains de garage… Jusqu’à ce qu’ils soient nommément cités et impliquant dans un des climax de la série.

Richesse de scénario, précision de la description d’une époque, Halt and catch fire est vraiment un petit plaisir, pour peu qu’on ait un goût ou une nostalgie pour l’époque révolue du début des années 80.

AMC, porté par un bon retour critique (mais des chiffres d’audience encore mitigés) a décidé de re signer pour une saison deux à paraître en mai 2015, soit dans un mois à peu près.  Il ne faut pas être geek pour se plonger dans HACF, juste se rappeler quand on avait 10 ans en 85.  Les fashionistas férus de eighties pourraient bien eux aussi, accrocher à terme.

3_5

Denis Verloes

Halt and catch fire – saison 1
Série américaine créée par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers
Série AMC – 10 épisodes de 42′
Avec : Avec Lee Pace (Joe McMillan), Scoot McNairy (Gordon Clark), Mackenzie Davis (Cameron Howe), Kerry Biché (Donna Clark), Toby Huss (John Bosworth)
Première diffuson US : juin 2014
Première diffusion française : juin 2014