Confinado : KIM et la création au temps de la pandémie

Oui, on peut faire de la musique – originale, drôle, légère, parfois même enchantée – au milieu d’une pandémie. Le stakhanoviste KIM en fait la démonstration avec son dernier album, Confinado, particulièrement inspiré.

Kim
D.R.

C’est un doux euphémisme, on le sait tous, de dire que les Artistes, dans tous les domaines, passent par une phase difficile, voire même dramatique, du fait de ce maudit Covid19 qui a arrêté net la majorité des événements publics. Plutôt que d’en rajouter dans des lamentations stériles, penchons-nous sur le cas de ces musiciens qui luttent quotidiennement pour exister sur la scène française, pour parler à leur public, pour partager leur Art, et pour… accessoirement (!) essayer d’en vivre… Et ce, en empruntant des chemins de traverse, en essayant de nouvelles approches, en créant leurs propres circuits et leurs propres événements. Ils sont des milliers, probablement des dizaines de milliers à travers le monde, utilisant leur créativité non seulement dans leur Art, mais aussi pour le faire connaître, pour le « distribuer ». Parlons de Kim, musicien français original, prolifique, militant aussi – pas dans le sens politique, encore que… – pour un Art qui sorte des systèmes existants agonisants, et dont la pandémie accélère clairement la disparition.

KIM ConfinadoConfinado, est le titre et aussi le premier morceau du nouvel album de Kim, qui n’est pas loin d’en sortir un par mois en ce moment, ridiculisant les propos insupportables de l’ignoble patron de Spotify quant à la « fainéantise » (c’est nous qui l’écrivons) des « artistes ne produisant pas assez de musique » (c’est lui qui le dit !). Confinado commence sur un gentil rythme de bossa-nova, paradoxalement chantée en espagnol, avant de, stupéfaction, se transformer en monstre kraftwerkien abstrait de près de 10 minutes et se terminer sur une coda très prog rock. Confinado, c’est tout-à-fait Kim : faire feu de tout bois, recycler et souvent sublimer tout notre passé musical, sans préjugés, sans barrières, pour créer un Art de pur plaisir, un Art immédiat, et fondamentalement joyeux. Le confinement, pour Kim, ce n’a pas été une malédiction mais une opportunité de se réinventer.

Depuis mars, Kim a augmenté sa production musicale de manière exponentielle, il a multiplié les initiatives sur les réseaux sociaux, il a élargi le cercle de ses « fans » avec qui il communique quotidiennement, et à qui il offre régulièrement des chansons nouvelles, des concerts on-line, mais aussi des forums de discussion sur la musique, des réflexions sur les talents comparés à la guitare de Jeff Beck, de Neil Young et de Robert Smith. Depuis mars, Kim a continué à donner des concerts, oui : chez les gens en jouant chez eux (et en respectant les gestes barrières), ou en mode ambulant, ou dans des lieux permettant la rencontre avec le public en toute sécurité… Depuis mars, répétons-le, Kim a publié plusieurs albums, certains expérimentaux, d’autres, comme ce magnifique Confinado, purement pop.

Ne reculant pas devant la fantaisie débridée – Push the button non j’veux pas pécho le covid, comptine frénétique électrocutée par un solo de guitare déjanté -, Kim privilégie ici les collaborations avec des amies chanteuses qui apportent à l’album suavité et douceur : Cléa Vincent s’approprie son « classique » Soldiers of Creation – à notre sens l’une de ses toutes meilleures compositions ; Marie Klock nous fait rire avec une sorte de caricature légère (enfin, on le perçoit ainsi) des stéréotypes de la musique allemande (Thomas Mann und der kuchen aus kacke, soit « Thomas Mann et le gâteau de caca » !) ; Valérie Hernandez nous régale d’une Mini-Samba électro irrésistible. Jessica Bachke a, quant à elle, écrit les paroles de l’élégante, et surtout touchante conclusion de l’album, In Our Fave Flowers Fields.

Pas très rock tout ça, nous direz-vous ? Certes, l’ambiance générale de Confinado est plus à la fantaisie, à la légèreté, ce qui en fait un vrai disque de salut public en ces temps moroses, voire sinistres. Néanmoins, il sera toujours possible aux rockers purs et durs de se délecter de la longue seconde partie, très électrique, de Не сейчас не сегодня (« Pas maintenant, pas aujourd’hui »). Les autres iront sans complexes sur le dance floor se trémousser « comme Travolta » sur Lola’s Somebody Else Angela’s Someone New… Et tout le monde sera content…

Et tout le monde remerciera avec nous Kim de simplement… exister. Et de continuer à faire de la musique, envers et contre tout. Confiné ou déconfiné.

Eric Debarnot

KIM – Confinado
Label : Mk label
Date de parution : 1er septembre 2020