Il était une fois un royaume maritime affligé par la disparition de son roi légitime. Depuis vingt ans, posé sur son îlot, le château de Castelmaure gît, abandonné aux vents mauvais.
Les compères Alfred et Trondheim nous proposent un véritable conte, à l’ancienne, avec ses passages obligés : un monarque ermite et dépressif, une sorcière ombrageuse, une quête, une malédiction et des sorts… Conformément à la tradition, ce récit est cruel. Plusieurs scènes sont objectivement violentes.
Lewis Trondheim innove en entrant dans l’histoire. Grimé en mythologue, il est le conteur, un troubadour qui se prend au jeu et s’immisce dans l’action. C’est lui qui retrouvera le roi Éric ! Plus fort encore, le scénario de Castelmaure ne s’articule pas autour d’une figure de héros, mais propose un album choral. La première moitié surprend, les seconds rôles se succédant sans liens apparents entre eux. Nous découvrons un chasseur amnésique, un tueur en série, une jeune femme souffrant d’un dédoublement de personnalité, un sympathique personnage à deux têtes, un enfant maléfique, la sœur du roi et son mari…
Le dessin du prolifique Alfred est rapide, mais précis. La ligne est claire, les aplats de couleurs vifs. Les personnages sont taillés à coups de serpe. Les décors sont souvent stylisés, voire inexistants. Malgré un format généreux, nous ne saurons rien du pays et de ses habitants. Mais, Alfred sait aussi poser son crayon, pour travailler un majestueux château ou nous présenter une magnifique séquence shakespearienne de tempête.
Le dénouement est surprenant, bienveillant, sans pour autant sombrer dans la mièvrerie. Au final, les auteurs nous invitent à un sympathique voyage, un tantinet régressif, aux pays des songes et de l’enfance.
Stéphane de Boysson
Castelmaure
Scénario : Lewis Trondheim
Dessin : Alfred
Colorisation : Lou & Alfred
Éditeur : Delcourt
Collection : Shampooing
144 pages – 18,95 €
Parution : 14 octobre 2020
Castelmaure – Extrait :
