[Canal+] Ovni(s) Saison 2 : une série toujours aussi étrange et attachante

Ovni(s) revient pour une seconde partie dans l’exacte continuité de la première saison datant de 2021. On y retrouve ce même humour burlesque, ce sens des situations absurdes et cocasses qui ont fait le sel de la première saison dévoilée en 202. Melvil Poupaud y révèle encore une fois son pouvoir de jeu comique, quelque part entre Buster Keaton et Pierre Richard. Une série jamais révolutionnaire mais diablement attachante. Et si la vérité était ailleurs ?

Daphné Patakia (Véra Clouseau), Melvil Poupaud (Didier Mathure), Quentin Dolmaire (Rémy Bidaut)

L’humour n’a jamais eu bonne presse dans notre cinéma et encore moins dans nos séries françaises. Force est de reconnaître que jusqu’ici, nous excellons dans le drame mais que le rire se voit souvent affublé d’un regard pour le moins franchouillard, bas de plafond ou en dessous de la ceinture. Le sens de l’absurde semble être mal compris par chez nous si l’on sait faire exception de Michel Gondry ou de Quentin Dupieux. Notre marque de fabrique, c’est le sérieux, le sens du réel à défaut de celui du social (propre à la série anglaise). La preuve de cette excellence en revenant de loin au Bureau Des Légendes, la géniale série d’Eric Rochant, forte de cinq saisons impeccables. Les séries qui se sont essayées au registre comique se sont vautrés dans un entredeux souvent maladroit. Spotless, le dernier exemple en date, remonte à 2015. Porté par un casting audacieux, Marc-André Grondin et Denis Ménochet, la série n’a jamais trouvé son public et n’a jamais pu entamer une seconde saison, s’égarant entre humour noir et action, oubliant par la-même que l’essentiel du ressort comique repose sur le rythme.

Le postulat de départ d’Ovni(s), la série de Clémence Dargent et Martin Douaire repose sur une idée absurde s’inspirant de faits réels pour mieux y incorporer une bonne dose fictionnelle. En 1978, la France connaît un engouement sans précédent pour le phénomène OVNI avec comme porte-parole le journaliste du JT du 20h00 de TF1de l’époque, Jean-Claude Bourret. Le CNES décide de s’emparer du sujet pour remettre de la science dans un gloubiboulga de superstitions et de croyances pseudo new age. Ils font appel au scientifique Didier Mathure (incarné par Melvil Poupaud) pour s’installer en tant que directeur temporaire du GEIPAN, structure de recherche ufologique.  C’est en partant d’un raisonnement sceptique que Mathure s’attelle à sa tâche. Accompagné dans sa quête de Marcel (Michel Vuillermoz), Rémy (Quentin Dolmaire) et Véra (Daphné Patakia), Didier Mathure sera confronté, dans une première saison à la fois cocasse et pleine de péripéties, à bien des accidents qui mettront à mal sa capacité à douter.

Ajoutons que cette série a le bon goût de non seulement faire une exacte reconstitution de ce monde que les moins de 50 ans ne peuvent connaître jusque dans les plus petits détails (la lampe de bureau télescopique) mais aussi de faire appel à une musique provenant directement de cette période, Bernard Estardy ou François de Roubaix mais aussi des délires rétrofuturistes de Thylacine encore reconduit pour cette seconde saison.

Sans rien spoiler ou déflorer de cette seconde partie, on reconnaîtra une nouvelle fois dans ces douze épisodes une belle part d’inventivité, de foutraquerie, de sens de l’absurde et de la situation. On peut également constater tout le talent d’acteur de Melvil Poupaud qui porte à lui seul toute cette série. Il est bien difficile de reconnaître ici le jeu plus sobre de cet acteur croisé chez François Ozon ou Xavier Dolan. On y découvre un Melvil Poupaud comique ou plutôt burlesque avec un je ne sais quoi des ambiances à la Tati, à l’Etaix ou plus près de nous des films des frères Podalydès. Il y a aussi dans son jeu un soupçon d’équilibriste comme une référence subliminale aux acteurs du cinéma muet, Buster Keaton ou Max Linder en particulier dans ce corps élastique, dans ces mouvements lapstick dignes d’une comédie de Lubitsch. On retrouve à ses côtés Daphné Patakia dans le rôle de Véra Clouseau qui vient finir de nous révéler le caractère hautement référencé d’Ovni(s). Le personnage de Véra Clouseau, à la fois lunaire et pragmatique, sert d’alter égo au personnage incarné par Melvil Poupaud, d’essor comique et narratif. On écartera assez vite une Claire Carmingnac assez plate jouée par Alice Taglioni,  qui n’apporte pas grand chose à l’intrigue pour s’attarder sur le quatuor originel, Vuillemorz faisant des merveilles à l’arrière-plan, secondé de Quentin Dolmaire dans le rôle de Rémi.

La série assume le choix de l’humour absurde et pousse toujours plus loin le trait. Il faudra suivre ce qui ressemblent à des élucubrations pour arriver à saisir cet ensemble. Il sera tout aussi bien question d’inuits que de flamands roses ou encore de barbe à papa géante dans cette série fourre-tout qui a délaissé le côté sitcom de la première saison pour une narration plus maîtrisée. On pensera souvent aux comédies hautes en couleur de Philippe De Broca dans ces épisodes chargés d’une mélancolie joyeuse et radieuse. Pour autant, il ne faudra pas chercher autre chose qu’un simple plaisir un peu coupable à regarder cette série. Elle n’a pour elle de n’être ni novatrice ni révolutionnaire mais simplement de s’attacher à faire vivre des personnages étranges dans une situation étrange, un peu comme les tribulations d’un chinois en Chine. Libre à vous d’adhérer ou non à ce programme, la série n’a jamais d’ambition démesurée, elle s’applique seulement à raconter une histoire cocasse.

Il y a dans Ovni(s) une fantaisie, une inventivité et une malice qui en désarçonnera plus d’un mais ceux qui poursuivent une quête, celle de la rencontre du troisième type savent que les envahisseurs sont parmi nous et qu’il nous faut des Didier Mathure pour nous prévenir de ce danger.

Greg Bod

OVNI(S)
Série de Clémence Dargent et Martin Douaire
Avec Melvil Poupaud, Michel Vuillermoz, Géraldine Pailhas…
Genre : Comédie, Fantastique, Science fiction
12 épisode de 30min
Diffusion sur Canal+ en février 2022