[Live Report] King Gizzard & The Lizard Wizard et Los Bitchos au Zénith (Paris) : le sacre du Roi Gésier ?

La fosse du Zénith était archi-bourrée hier soir pour le passage de nos chouchous de King Gizzard & The Lizard Wizard dans la « cour des grands », et la température a très rapidement explosé dans la salle : deux heures qui n’ont peut-être pas atteint la puissance inoubliable de leurs sets passés, mais qui ont ravi le plus grand nombre.

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King Gizzard au Zénith – Photo : Robert Gil

King Gizzard se trouvent aujourd’hui en France dans une position inconfortable pour leurs concerts parisiens : celle d’avoir dépassé la popularité correspondant à la jauge d’une Olympia (2800 personnes en configuration debout) sans atteindre celle nécessaire à bien remplir un Zénith (6800 places)… Ce qui montre que Paris manque d’une salle de concerts de taille intermédiaire, mais surtout complexifie la gestion de l’événement pour les organisateurs… Imaginez une fosse ultra-bondée par un public en ébullition, et des gradins pas très remplis, même en format « petit Zénith ». Mais après tout, ce sont des « problèmes de riches » pour un groupe indie qui, de par sa singularité et son audace créative, n’est pas forcément appelé à devenir « grand public »…

2023 03 02 Los Bitchos Zénith20h00 : On est évidemment contents de revoir les filles de Los Bitchos en ouverture de la soirée, et de retrouver cette jolie bonne humeur avec laquelle elles nous offrent leurs instruments vifs et pétillants, rencontre improbable du Rock Garage tendance surf avec la musique sud-américaine. Malheureusement, le set sera trop court, et desservi par un niveau sonore nettement insuffisant, et on aura l’impression que la bande à Serra Petale n’a conservé de leur excellent set de Rock en Seine 2022 que la partie « sage », que les filles ont renoncé à faire monter l’excitation comme elles l’avaient réussi au Parc de St Cloud. Et les spectateurs attentifs auront remarqué certaines imprécisions musicales dénotant sans doute un peu trop de tension devant un public pourtant globalement enthousiaste. Bref, « peuvent mieux faire… », et on sait que Los Bitchos en sont capables…

21h00 : Les instructions données à King Gizzard & The Lizard Wizard sont claires, et indiquées en noir et blanc sur la setlist : à 23h00, tout doit être bouclé, extinction des feux ! Le groupe opte donc pour un set de deux heures, sans rappel, ce qui énervera certains fans hardcore qui auraient bien repris une portion supplémentaire à la fin de ce repas pantagruélique…

2023 03 02 King Gizzard ZénithCar dans la fosse, les fans des Australiens sont légion, et ils sont particulièrement chauds bouillants. Le démarrage sur les chapeaux de roue avec le sublime classique qu’est Rattlesnake (bien typique de nos cinglés d’Australie que d’offrir leur plus GROS titre d’entrée de jeu plutôt que de le réserver, comme le font 99% des groupes, pour la fin !) s’accompagne d’un véritable pandémonium, avec moshpit en furie et déferlement ininterrompu des slammers sur les nuques des premiers rangs.

Tout le monde – ou presque – braille à pleins poumons « Rattle ! Rattle ! », et quand on est devant, on entend à peine le groupe, tant les clameurs sont fortes. Le niveau sonore des guitares est en particulier très insuffisant quand on est dans les premiers rangs, alors que, sur la sono du Zénith, le son est globalement bien équilibré et précis. Ce petit problème sera progressivement corrigé, sans même mentionner que, une fois passés les premiers titres « tubesques » (enfin, dans la perspective de KG&LW…), les cris dans la foule baisseront quand même d’un ton…

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Pour qui a déjà eu la chance de voir King Gizzard sur scène, le concert de ce soir manque de quelque chose pour être totalement convaincant, et peine à nous enthousiasmer aussi complètement qu’à l’habitude : est-ce une question de choix des morceaux, le peu d’espace accordé aux chansons « microtonales » étant forcément frustrant ? Est-ce l’absence des deux batteries qui fournissaient une puissance démentielle aux chansons, et qui font défaut ce soir ? Ou est-ce l’habituel syndrome du « c’était mieux avant » qui nous fait comparer le groupe de 2022 avec ce dont nous nous souvenons de leur sublime concert au Bataclan en mars 2018, il y a 5 ans déjà ?

2023 03 02 King Gizzard ZénithParadoxalement – ou pas ? – c’est quand le groupe s’attaque dans la seconde partie du set aux morceaux plus « expérimentaux » de l’album fourre-tout qu’est Omnium Gatherum, qu’il regagne en pouvoir de fascination. Le hip hop (eh oui !) de The Grim Reaper, avec un numéro de rappeur convaincant d’un Ambrose Kenny Smith très en forme ce soir et la flûte absurde de Stu, fait souffler un véritable vent de fraîcheur sur le set. La pop électro-psyché de The Garden Goblin et de Magenta Mountain, avec claviers hallucinés en avant-plan, rapproche King Gizzard de leurs compatriotes de Tame Impala, et constitue un pur ravissement, pour le coup…

Final à fond la caisse dans une tonalité franchement heavy metal avec des titres qui sonnent certes un tantinet « bas du front » (Planet B, Hell), mais qui véhiculent un message environnemental salvateur : l’efficacité des riffs littéralement mortels de Gaia est indiscutable, et permet au groupe de quitter la scène dans un paroxysme d’hystérie…

… qui ne fera pas complètement oublier le sentiment occasionnel de moindre majesté d’un groupe que l’on continuera pourtant à considérer comme absolument essentiel pour notre époque en mal de repères.

Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot