« Oppenheimer » : Christopher Nolan en mode surchauffe

Si l’ambition de Christopher Nolan est louable dans un contexte hollywoodien bas du front, dans Oppenheimer, elle est souvent synonyme de vouloir trop en faire.

Oppenheimer photo
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Oppenheimer, c’est un biopic de l’inventeur de la Bombe à la structure narrative et au traitement formel à fragmentation : alternance noir et blanc / couleur, allers et retours temporels et illustration des théories physiques à coup d’images figuratives accompagnées de tatapoum musical. Cette dernière « audace » étant à mes yeux digne du Gaspar Noé des mauvais jours. Le tatapoum sera de son côté, hélas, trop présent au cours des trois heures, à deux doigts de donner envie de réévaluer certains scores pompiers écrits par Hans Zimmer pour le cinéaste. Surtout, cette recherche de singularité de traitement formel et narratif ne fait pas oublier un scénario pliant sous l’accumulation des conventions d’un certain cinéma hollywoodien à grand sujet.

Oppenheimer afficheDu côté du biopic de « personnalité d’exception » le film coche les cases du génie incompris et perçu comme émotionnellement froid par une partie de celles et ceux qui le croisent, des rapports en dents de scie avec les femmes, qu’elles soient épouses ou maîtresses, du positionnement du « grand homme » par rapport au contexte politique de son temps et du diptyque gloire / déchéance en passant par les rails du film dossier seventies à toile de fond paranoïaque lorsqu’Oppenheimer est victime du maccarthysme. Noyant du coup le vrai coeur du film, coeur révélé par ses meilleures scènes : le test atomique, sa réussite et le sentiment d’avoir engendré une invention incontrôlable suite à son « application » à Hiroshima et Nagasaki. Avec un remords porté par un excellent Cillian Murphy.

Le film n’est pas dénué d’inspirations visuelles, Nolan ayant progressé par rapport à ses débuts où son filmage cherchait parfois grossièrement à faire « grand cinéma ». Mais il n’évite pas, à l’instar d’Inception et d’Interstellar, les scènes redondantes. Il est enfin plaisant de voir Robert Downey Jr ailleurs que dans la prison Marvel même si son interprétation flirte avec le surlignage façon performance à Oscars.

L’ambition d’une œuvre faisant la synthèse de ce qui l’a précédée pour dépasser ses modèles était déjà à deux doigts du millefeuille indigeste dans un Interstellar influencé par 2001, Solaris et L’Etoffe des héros en y ajoutant les peurs environnementales contemporaines et un concept temporel. Cette ambition défendable dans le déplorable contexte hollywoodien actuel bascule ici dans le trop-plein.

Ordell Robbie.

Oppenheimer
Film américain de Christopher Nolan
Avec : Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon…
Genre : Biopic, Historique, Thriller
Durée : 3h 01min
Date de sortie en salles : 19 juillet 2023

 

1 thoughts on “« Oppenheimer » : Christopher Nolan en mode surchauffe

  1. Pas d’accord.
    Selon moi, c’est une leçon de cinéma : approche scénaristique, jeu des acteurs, lumière, montage.

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