MGMT – Loss of Life : un album à moitié plein

MGMT, un groupe qui a fait exploser les compteurs avec des quasi chefs d’œuvre nous délivre son 5ème album. Entre morceaux encore superbes et d’autres franchement entre-deux, difficile de savoir s’il faut se réjouir d’écouter des bonnes chansons ou se désoler que ces chansons ne soient pas aussi bonnes que celles qu’ils ont déjà produites.

MGMT-2024
CREDIT photo JOHNAH FREEMAN

Dans le paysage en constante évolution de la musique contemporaine, peu de groupes ont réussi à capter l’imagination des auditeurs comme MGMT. Formé en 2002 par Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser pendant leurs études à la Wesleyan University, MGMT a fait irruption sur la scène avec son premier album Oracular Spectacular en 2007. Ce qui séduit d’emblée, c’est l’expérimentation, le travail sur le son, et le mélange entre rock psychédélique, synth-pop, shoegaze. Des synthés tourbillonnants, des mélodies rêveuses, voire embrumées, des paroles surréalistes qui abordent les thèmes de l’existentialisme, de l’aliénation et de la condition humaine. Le résultat est quelquefois étonnant, souvent captivant, quelquefois absolument époustouflant. Comment résister à ce qui est probablement un des meilleurs morceaux de ces derniers années, un sommet quasiment absolu … Kids ? Voilà un groupe qui sait (essaie en tout cas) de transporter les gens dans une autre dimension, de créer des expériences.

MGMT loss of lifeDepuis, le groupe n’a cessé d’essayer de repousser les limites de ce mélange psyché-synthpop-expérimental. Les deux albums qui suivent vont clairement dans cette direction. Siberian Breaks et Brian Eno sur Congratulations (2010) sont des morceaux complexes et luxuriants, pop avec des mélodies très accrocheuses, très pyschédéliques aussi, délirants carrément, l’esprit de Good Vibrations ou plus près de nous des Flaming Lips, voire de Pink Floyd. Qu’on retrouve aussi sur Alien Days ou Your life is a lie sur MGMT (2013), des morceaux qui mélangent des couches d’instrumentation luxuriante pour créer une sorte de tapisserie sonore hypnotique. Deux albums réputés moins catchy que le 1er et le 4ème, Little Dark Age (2018), qui marquait  un retour aux racines synth-pop, avec des mélodies ravageuses, des grooves contagieux, des morceaux doucement bancals et des paroles sombrement surréalistes. L’anxiété, la désillusion, la recherche de sens dans un monde de plus en plus chaotique sont derrière cet album personnel, introspectif. L’album a connu succès énorme, surtout pour Little Dark Age, le morceau titre de l’album, et ses 500 millions de téléchargements sur Spotify. Il faut bien avouer que le morceau est quand même fantastique…

Arrive donc en 2023, Loss of Life, un cinquième album, composé en 2021 et 2022. MGMT n’a plus rien à prouver, depuis longtemps. Ils savent écrire des chansons, jouer avec les sons, donner de la profondeur et de la noirceur aux morceaux. Ils peuvent se laisser aller. C’est un peu ce qui a l’air de s’être passé. La première écoute laisse surprend. Cela tient plus au MGMT du milieu (Congratulations et MGMT) que celui des extrémités.

Commençons par la partie un peu décevante. Il y a des morceaux dont on n’est pas certain d’avoir envie de les réécouter – comme par exemple Dancing In Babylon, sur lequel on retrouve Christine and the Queens… qui va peut-être réjouir les programmateurs de France Inter mais… bon. Ou alors People in The Streets, dont la mélodie assez plaisante ne laisse pas de souvenir marquant et dont les violons sont un peu trop violoneux pour être intéressants. Cela dégouline un peu, quand même.

En revanche, il y a des morceaux qui sont franchement immédiatement accessibles, immédiatement accrocheurs, pour tout dire remarquables. C’est le cas de Mother Nature, un côté Oasis plongé dans l’acide psychédélique, riche, une mélodie parfaite, un emballement progressif pour finir tout doucement, dans un souffle. Un régal, même quand on le réécoute plusieurs fois. Comme Bubblegum Dog, un début à la guitare sèche, une voix sombre, grave, un clavecin, une chanson quasiment parfaite. Et même ce surprenant Nothing to Declare, une balade sentimentale aux accents country, qui se révèle vraiment très plaisant à écouter. Ou encore celui juste après, Nothing Changes, est aussi assez bon. Rien de très surprenant ou original. Le groupe a fait mieux ; le morceau tourne un peu en guimauve quand les cuivres prennent le relai du chant. Un titre qui restera entre deux.

Il y a aussi des chansons qu’on a envie de réécouter pour comprendre ce qui se passe. Comme Phradie’s, I wish I was joking ou Loss of Life, qui termine l’album. Et là, on n’est pas certain… Voilà des morceaux un peu vaporeux, genre berceuse (sur Phradie’s on entend, « Yes I can sing to you, every night if you wanted to », une berceuse émouvante, et qui tourne petit à petit en expérimentation psychédélique – ce qui le rend plus intéressant. I wish I was joking reste malheureusement un slow un peu sirupeux. Loss of Life passe mieux le test, avec son chant éthéré et sa mélodie douce, ses cuivres en accompagnement. Des titres qu’on pourra réécouter, apprécier, sans difficulté mais qui n’arrivent quand même pas à la cheville de ce que le groupe a pu faire par le passé.

Alain Marciano

MGMT – Loss of Life
Labels : Mom + Pop records
Parution : 23 Février 2024