Erica Buettner – True Love and Water

EricaBuettner_TrueLoveAndWa.jpgDans la proposition pléthorique de nouvelles chanteuses folk, Erica Buettner marque les esprits et séduit les coeurs dans un album tout en respiration. Magnifique.

Une fois n’est pas coutume, citons précisément un passage de la bio (fournie avec le disque) : »Il est difficile d’expliquer pourquoi certaines chanteuses vous bouleversent au point de voir en elles des confidentes attentives« . Quand une phrase exprime parfaitement ce que l’on ressent, autant ne pas s’évertuer à  , essayer de la paraphraser. Il y a un charme durable et indicible qui émane de True Love and water et de son interprète Erica Buettner, Américaine de 26 ans égarée à  Paris pour notre plus grand bonheur. On pourrait dire que cette séduction n’est dûe qu’à  la voix magnifique de Erica et que tout le reste relève de la pure subjectivité : comme un lâcher de phéromones qui agirait non pas sur l’odorat mais sur l’audition. La critique s’arrêterait là  avec un slogan »avec Erica Buettner laissez le charme agir…ou pas ».

L’album est magique mais cela peut s’expliquer…True Love and Water demande donc une écoute plus attentive, une réflexion plus poussée, histoire d’aller chercher un peu d’objectivité. Revenons sur la voix de la jeune femme, douce et musicale à  l’instar de Joan Baez ou de Vashti Bunyan, qui plane littéralement sur la musique. , Plus qu’un joli souffle, Buettner trouve la bonne distance face à  l’auditeur, créant une intimité chaleureuse tout en restant à  une distance qui préserve le mystère ; elle est tout près de nous mais au dessus., , La musique se construit autour de ce timbre beau et diaphane, lui laissant de l’espace et le laissant pleinement agir. Elle est donc discrète mais finalement précisément ornementée pour ne pas être qu’une accompagnatrice passive d’Erica Buettner. Les quelques arpèges de guitare suffisent à  notre bonheur dès les premières mesures (Our most fragile things, à  l’évidence proche des premiers Suzanne Vega), mais il y a plus que cette seule alliée qui entre dans cette folk hautement aérienne. D’ailleurs, on peut noter l’absence quasi systématique (sauf sur un morceau) de batterie, donnant encore plus le sentiment d’une musique en apesanteur, d’une parenthèse enchantée loin des considérations terrestres. Les morceaux sont d’ailleurs souvent longs, la jeune femme prenant son temps pour instaurer un climat apaisant et faire silence autour d’elle. A son écoute, on laisse le temps filer, on laisse tomber le reste de ses occupations et on écoute religieusement ou presque (Time travelling).

Par bien des côtés, True Love and water ressemble, à  Krülle Boll de la chanteuse, This is the Kit. Ce nom n’est pas laché par hasard puisque de Jesse Vernon alias, Morningstar, compagnon de This is the Kit et homme de goût s’il en est, vient jouer de la basse sur deux titres. Il y a entre les deux disques le même souci du détail, une envie de naturel , et une même volonté de , ne pas obscurcir l’horizon. Pourtant, le compagnon musical de Buettner est à  chercher ailleurs. C’est bel et bien Pierre Faa, membre de Peppermoon et désormais artiste solo, qui a mis en son – comme on dirait mis sur orbite – l’album. Derrière Erica Buettner, sa guitare, son banjo ou son plus original Kantele (instrument à  cordes traditionnel finlandais), Pierre Faa rajoute sa patte par petites touches de claviers. Le musicien-producteur n’est pas le seul à  venir se lover dans l’univers de l’Américaine. Il y a aussi Stefanos Kotsanis qui, avec son accordéon, amène une touche diffuse d’un nomadisme de l’est dans une folk trouvant sa sensibilité d’origine à  Greenwich Village (Kotsanis signe même A Tale of Norstein). Dans ce monde de sensations, on sent poindre une fantaisie de cirque ambulant dans Artic Dogs. On voit aussi l’apparition d’une batterie originalement martelée par Boris Gronemberg, leader des indispensables V.O., au plus fort de l’intensité de The Body Electric., La musique de Buettner pourrait donc être entourée de plus d’instruments, d’électricité et de fougue. Mais en l’état, on la préfère ainsi : dans un dénuement tout relatif, avec une instrumentation mesurée et impressionniste.

Tout ceci est bien sûr affaire de goût mais on se prend à  espérer que , la majorité se ralliera à  , cet avis. En tout cas, une chose est sûre et objective : cette Erica-là  n’est pas là  pour polluer nos oreilles mais bel et bien pour assainir l’atmosphère.

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Denis Zorgniotti

Durée : 45’40
Label : Peppermoon music / Believe
Date de sortie : 4 avril 2011

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