N.E.R.D. – Seeing sounds

NERD.jpgSuccesseur du déjà  excellent fly or die, seeing sounds est le nouvel essai du producteur RNB aux doigts d’or Pharell Williams. Il y tente une fois encore de s’affranchir des barrières d’un genre qu’il a à  la fois révolutionné et balisé, en produisant tout ce qui compte dans le style. Un genre qui restreint sa créativité aussi, en y ayant posé lui-même avec les Neptunes, les barbelés sonores d’une mode depuis copiée, élimée, rétamée sur l’autel de la course à  la rentabilité et au clip qui fera mouche sur MTV Base. Et le pire, c’est qu’il arrive à  s’en détacher avec une désarmante facilité. Et d’époustouflante façon encore bien.

Parce que quand on réfléchit, à  part un peu Outkast et un peu DSL en France , ou mis à  part en rap revendicateur à  la Public Enemy ou à  la Body Count d’Ice T ; on connait assez peu de formations venant du Hip hop tout en s’appropriant les codes du rock and roll. Mais peut-être devons-nous blâmer notre méconnaissance du genre en général et nos fidèles lecteurs, plus éclectiques que votre serviteur, s’empresseront de noircir les commentaires de cet article, le cas échéant.

Or c’est justement quelque part au carrefour entre l’évidente maestria de producteur de Pharell Williams, l’évidence mélodique de la pop et l’éclat soudain du rock que N.E.R.D place son non nouvel opus. Il commence comme une petite histoire susurrée par un narrateur qui se rappelle comment, en ses jeunes années, il s’est mis à  voir les sons, littéralement. Mais c’est pour mieux nous rassurer, comme ils font chez Disney à  la fin de la crémaillère ascendante précédent le Space Mountain : on ralentit, on caresse, on rassure »pour mieux envoyer le bois, le speed et la descente vertigineuse dès l’instant d’après.

La guitare, où l’apparente guitare parfois transformée en seule énergie rock – puisque sa structure est souvent remplacée par un clone cybernétique ou qu’on dirait tel- est ll’élément majeur de l’album. Sa direction et sa note de fond, tout à  la fois »All the girls standing in a line for the bathroom » clame pourtant la voix du chanteur dès le troisième titre, rappelant que le RNB c’est aussi souvent une histoire de pimps et de jolies filles usant de leur charme, de muscles et de machos so sexy ; mais c’est néanmoins la tension qu’on croirait provenir de la guitare électrique qu’on retient majoritairement de l’album. Et ce alors que, paradoxe, on se rend compte qu’on vient de choquer nos voisins de compartiment de train en reprenant le refrain, litanique et mnémotechnique, à  tue tête. Et qu’elle a finalement plus à  voir avec la jungle que le rock. Plus avec le RNB qu’avec les Strokes.

D.’ailleurs, c’est quand Seeing sounds arrête de tâter du pop/rock à  gimmick, quand il pousse un peu trop du côté de Boys 2 men (crashing down) qu’il nous fournit ses pires moments. Pires ? pas sûr. Parce que même là , même quand le triangle POP-ROCK-RNB n’est plus isocèle et réduit un de ses côtés, Pharrell et ses N.E.R.D. arrivent à  intégrer un break en forme de guitare qui riffe et batterie qui martèle caisse claire et cymbales, faisant passer notre humeur chroniqueuse de bof à  Woua en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Fort le gars, on a dit en introduction.

l’album pourrait se réduire à  la trilogie RNB+POP+ROCK x intelligence = PUTAIN D.’ALBUM. Mais ce n’est pas tout. Ce serait oublier qu’en plus d’être d’excellent mélodistes et de terribles traverseurs de frontière, les N.E.R.D. ont aussi à  leur tête un producteur génial, en plus d’être incontournable. Le son de seeing sound est impeccable. Que la guitare s’humidifie un peu, Pharell a prévu une serviette de production pour lui sécher les lèvres. Le pire qu’on peut dire de son travail sur l’album, c’est qu’à  force de nettoyer des instruments pourtant régulièrement poussé en overdrive on obtient ça et là  un Garbage effect, soit l’impression qu’une guitare, pourtant jouée en vrai à  la sueur du front et du médiator ressemble à  sa cousine sou Pro tools. Mais comme les mélodies et l’énergie sont captées et rendues sur galette, on finit bien vite par ne plus s’en soucier et s’impliquer comme on le ferait dans un bon live.

De quel album de Garbage peut on dire qu’il nous évoque autant Rage against the Machine que Aalyah et Goldie ? C.’est pourtant le grand écart que nous donne à  entendre N.E.R.D. frôlant seulement marginalement la déchirure musculaire : un frémissement de la force qu’on pressent plus qu’on ne ressent réellement, quand un esprit de chroniqueur analytique se rend compte que c’est une formule quasi mathématique qui est appliqué à  Seeing sound. Pour conserver le triangle évoqué ci-dessus d’abord et éviter tout ce qui sortirait de ces trois thématiques inaugurales. Dans la manière de composer systématiquement des titres à  tiroirs qui démarrent en mode lover, charmeur et ondulant, portés par un gimmick mémorisable et se rompent quelque part pour convoquer l’esprit rageur de l’overdrive, avant de revenir en mode lova lova. Pour arrondir, les angles enfin, en faisant en sorte de passer tout le son de l’album à  l’émeri d’abord, à  l’huile de lin ensuite. Des arguments négatifs qui ont l’air rédhibitoires à  la lecture de la chronique, et se révèlent anecdotiques à  l’heure d’écouter l’album.

Un disque qui, comme tout bon album Pop est en train de passer en boucle (jusqu’à  l’usure ?) dans le balladeur, pour mettre ouache et pêche avant de partir bosser le matin. Un disque qui fera sans doute partie de notre top 20 de l’année (on aime bien y mettre un album immédiat et simplement addictif) et force notre respect pour la machine de guerre qu’est Pharell Williams et ses N.E.R.D. Si vous n’en gardez qu’un pour accompagner l’été 2008 sur la plage ou les city-plages. Ce sera sans doute celui-là .

Denis Verloes

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Tracklist
01. Time For Some Action
02. Everyone Nose (All The Girls Standing In The Line For The Bathroom)
03. Windows
04. Anti Matter
05. Spaz
06. Yeah You
07. Sooner Or Later
08. Happy
09. Kill Joy
10. Love Some
11. You Know What
12. Laugh About It

Label: Polydor / Universal
Date de sortie: 9 juin 2008

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Le clip de everyone nose… sur Youtube (sans Embed)