El Niño Pez

affiche_5.jpgCannes a eu le bon sens de la révéler en 2007 avec le surprenant XXY, et revoilà  déjà  Lucia Puenzo dans l’actualité cinématographique argentine : loin des poses systématiques de l’agaçant langage de Lucrecia Martel, cette jeune cinéaste marque à  nouveau un point en filmant les promesses d’un talent artistique en train d’éclore., Ce n’est pourtant pas en choisissant la facilité qu’elle continue le cinéma, après un premier film sur une adolescente hermaphrodite. Son nouveau long-métrage s’attarde cette fois sur un mélange temporel assez fin entre l’amour de deux jeunes femmes, et la fuite de l’une d’elle en conséquence d’un meurtre.

Tous les pièges n’échappent pas à  la caméra sensible de Puenzo ; notamment une relation aux mythes et aux divinités qui tient du mysticisme mal employé et mal assumé, alourdissant plus le film qu’elle ne le densifie (toutes les séquences symboliques du lac et des enfants noyés). Car le récit est déjà  bien chargé : le montage, d’une clarté inégale, parvient à  dérouler deux temps liés entre eux, parallèles et dont les explications se forment au fur et à  mesure que les personnages et leurs statuts se dévoilent. C’est dire si le rajout de flash-back créant une troisième ouverture temporelle n’était pas essentiel. On finit par se perdre dans cette confusion pas toujours maîtrisée mais qui, pourtant, montre bien l’ambition narrative de Lucia Puenzo. La progression dramatique étant l’un des points forts du film, l’histoire finit par tenir la route et par émouvoir lors de très fortes séquences de déchirement (celle de la séparation lors de la visite en prison en fait partie).

La direction d’actrices est aussi remarquable (Mariela Vitale et Inès Efron, qui tenait déjà  le premier rôle de XXY), tandis que la réalisation, au bord de la surcharge et de la saturation (autant dans la lumière que dans le cadre), donne un sentiment d’impérativité assumé mais parfois nuisible au rythme et à  l’accumulation dangereuse des éléments. Il manque bien quelques calmes, quelques creux face à  cet objectif survolté et, il faut l’avouer, parfois fatigant quand il s’éloigne de la captation des sentiments et de l’érotisme saphique. Mais la beauté de cette histoire d’amour fou et (quasi-)impossible entre deux femmes, et les nombreux détails intelligents disséminés à  l’intérieur du récit (le repère temporel offert au spectateur au milieu du film tient sur la longueur réduite des cheveux du personnage de Lala, inversant astucieusement la logique capillaire qui reviendrait à  dire que les cheveux poussent pour signifier que le temps passe) finissent par emporter l’adhésion.

Malgré ses multiples désirs d’écriture pas toujours contrôlés et une atmosphère moite et sensuelle qui ne prend pas toujours, la cinéaste prouve ici qu’elle sait venir à  bout d’un scénario complexe et fort, quitte parfois à  tomber dans l’épuisement même de cette écriture et dans des longueurs handicapantes. Et, entre défauts et qualités, cette fuite vers l’avant, référencée s’il en est au Thelma & Louise de Ridley Scott, parvient à  toucher par sa personnalité et son évolution dramatique crédible, marquée de quelques scènes particulièrement puissantes.

Jean-Baptiste Doulcet

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El Niño Pez

Film argentin de Lucia Puenzo
Genre : Drame, thriller
Durée : 1h36
Sortie : 6 Mai 2009
Avec Inès Efron, Mariela Vitale, Pep Munne…

La bande-annonce :

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