Jeanne Cherhal – Charade

charade.jpgMa relation avec Jeanne, elle a débuté sans vraiment que j’y pense. Pas une love story brutale, ni un coup de foudre flabistouflant non non. C.’était même le contraire.

Je me demandais que venait faire cette grande saucisse coiffée comme une première communiante dans un film des années 20, sorte de garçon manqué à  aller faire des photos pour Doisneau.

Puis sa musique me laissait un peu de marbre. Nous étions en pleine Nouvelle Chanson française et sa proximité avec Delerm, sur le label Tôt ou tard me la faisait un peu décrire : »nouvelle égérie française sans saveur, genre qui ne durera qu’une saison ». Je suis con des fois. Pas que des fois, mais bon.

Je suis tombé en amour avec Jeanne quand l’eau s’est mise à  tomber, et que bien plus subtilement qu’une Anaîs elle s’est mise à  évoquer ses embarras de fille, ses amours de femme, son sentiment politique de citoyenne. En plus non de non, la grande sauterelle oscillait franchement du côté de la femme fatale. Portée par un piano à  la Tori Amos et une énergie encore très contenue.

Sur son nouvel album Jeanne change de label comme on changerait de vie, dévoile des jambes de mannequin et un carmin sur les lèvres évadé des années 60. Jeanne Cherhal s’assume en tant que femme, tout à  la fois uber humaine uber femme et amante sans vergogne. Dans son nouvel opus Jeanne Cherhal file le thème de la rencontre, de l’amour et du sexe sans que jamais on ne touche au vulgaire ou ne sombre dans la facilité.

Jeanne évoque le faux amant pendu au portable, celui qui renâcle, le mauvais coup et les mal baisées. Jeanne Cherhal évoque le sentiment amoureux à  la manière d’un opéra rock en plusieurs actes ou d’une comédie musicale indé. Au milieu de ses réflexions faites chansons françaises, elle rappelle un même gimmick de paroles comme un sonnet, comme du Ronsard moderne, à  la fois ode et classements des amants. Une jolie idée de liant pour un album qui roule d’une situation à  une autre au gré des démêlés de pelote de laine du sentiment amoureux.

Musicalement, il y a toujours du Tori Amos et du Fiona Apple dans les références qu’on a envie de citer pour évoquer l’univers de l’artiste. Une base au piano, tour à  tour caressé à  la manière toute classique, d’autres buriné sous les coups de boutoir d’une main hargneuse. Le son s’affirme, les mélodies se font moins  » pop  » et plus  » rock  » ce qui par contraste enlumine les quelques chansons en tempo lent qui émaillent le disque de leur présence. Jeanne assume tout : sa musique, ses désirs, sa sexualité, sa condition de femme et commence à  l’éructer de manière parfois salace mais toujours classe.

Du coup dans ses moments où sa musique se lâche, ou ses mélodies et arrangements se mettent à  filer bille en tête et où la Femme apparaît dans toute sa splendeur, à  la fois corps, concept et convention, c’est à  PJ Harvey qu’on ne peut s’empêcher de penser. Une PJ Harvey des années 2010. Celle qui a troqué la tenue léopard pour la robe en dentelle mais conserve au creux du coeur, tout de sa rouerie d’antan.

l’écriture est simple, belle et touchante. Elle nous parle, parce qu’elle nous parle de nous et de nos moitiés, de nous et de ceux où celles qu’on aimerait faire nôtres. De nous et de ce qu’on a d’universel dans nos désirs et nos envies. La musique est simple mais efficace et c’est le piano qui une fois de plus tire son épingle du jeu. Le personnage semble être en totale maîtrise de son sujet. Elle assume sa condition de femme, son droit à  être bien aimée et bien baisée, l’un et l’autre ; et son album de nous faire décidément basculer du côté des admirateurs du style de chanson française à  la Jeanne cherhal.

Et pas uniquement pour une paire de jambes interminables mises en évidence sur la pochette du disque.

Denis Verloes

4.gif

Tacklist
01. Certains Animaux 3:37
02. En Toute Amitié 2:33
03. Mon Corps Est Une Cage 3:40
04. Mon Premier 0:59
05. Hommes Perdus 2:46
06. Qui Me Vengera 3:43
07. Cinq Ou Six Années 4:08
08. Mon Second 0:48
09. J’Ai Pas Peur 2:59
10. Plus Rien Ne Me Fera Mal 3:17
11. Pays D’Amour 3:07
12. Mon Troisième 1:14
13. Lorsque Tu M’As 3:11
14. Reviens-Moi 3:24
15. Mon Tout 1:54
16. Astoria (Bonus) 3:45
17. Brandt Rhapsodie (Bonus) 4:42

Date de sortie: 1 mars 2010
Label: Barclay / Univesal

Plus+
Le site officiel
L’espace Myspace
La chronique de L’eau
Les vidéos via Google

Ecouter ‘album via Spotify