La voix du sieur Scott Matthew est un vrai-tire larme, un organe de velours à émouvoir un ancien agent du KGB. Mais attention à ne pas trop en abuser, l’arme peut se révéler à double tranchant et la séduction peut parfois faire place à un certain écoeurement.
Tout est affaire de dosage. On sait que l’Australien est à fleur de peau distillant son spleen de sombre romantique émotif depuis trois albums. Il n’y a qu’à lire les noms des chansons qui habitent Gallantry’s favorite song : Black bird, Buried alive, devil’s only child, sinking, sweet kiss in the afterlife, no place called hell…la mort est au centre des préoccupations du barbu.
Musicalement, l’ambiance n’est des plus gaies, même si Gallantry’s favorite son se singularise des ses prédécesseurs par une poignée de titres plus enjoués. Sweet kiss in the afterlife a la fraîcheur de la rosée du matin. Devil only child découvre un songwriter apaisé avançant, avec rythme sur le fil d’une clarinette nonchalante tendance New Orleans. The Wonder of falling of love adopte la pop attitude et les choeurs qui vont avec. L’anecdotique mais sympathique No place called hell sent la fin de soirée, avec des musiciens avinés mais encore vaillants. Sur Felicity, Matthew sifflote gaiement à la vie sur une mélodie légère, presque un exploit pour le sombre barbu. Mais ceci reste quand même des exceptions, nous restons le plus souvent confinée dans un spleen reposant où il fait bon se lover. L’instrumentation se fait discrète et s’articule avec un précision d’horlogerie suisse : sur Black bird, ce sera un violon et un violoncelle qui s’éveillent ; sur True ting, une harpe cristalline ourlée avec un Fender Rhodes ; sur Duet, une troîka de ukulélé, de mandoline et de harpe ; sur Buried alive, des choeurs sacrés soutiennent la voix de crooner meurtri … A l’instar de Perry Blake, des regrettés Clouseau ou de Scott Walker avant eux, l’Australien aime, créer des écrins musicaux classieux à ses lentes mélopées romantiques.
Pourtant tout ceci passe souvent au second plan, tant la voix de Scott Matthew prend tout la place »émotionnellement » d’une musique ultra sensible, le reste de l’instrumentation servant parfois juste de (jolis) faire-valoir. Surtout, jouant sur ses qualités naturelles et sur ce timbre à fleur de peau, l’Australien en fait trop dans l’affecté et le souffreteux (Sinking et Seedling avec leurs choeurs gospels). On aimerait parfois qu’il arrête de geindre, cesse toute affaire courante ses trémolos et qu’il se conduise illico presto en, barbu viril et sûr de lui. On peut effectivement penser à Anthony and the Johnsons qui, dans un style similaire, séduit ou agace pour les mêmes raisons. Trop d’émotions tue l’émotion, comme dirait l’autre.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 14 juin 2011
Label / Distributeur : Glitterhouse / Differ-ant
Durée : 42’26
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Si pour ma part j’ai trouvé le deuxième album assez tire-larme en effet, le premier avait lui aussi quelques titres un peu plus enjoués, je pense en particulier au délicieux « upside down » et au doux amer « prescription ». Je suis ravie quoiqu’il en soit que Matthiew sache se renouveler dans son dernier album.