Alma Forrer – Ne dis rien

Alma Forrer, avec son second Ep, fait fi des clochers et de ses querelles, n’hésitant pas à faire se confronter des univers volontiers perçus comme antagonistes.

Alma Forrer photo

Alors que je m’apprête à interviewer Alma Forrer dans quelques instants, j’avais envie de poser ces mots pour tenter de comprendre pourquoi cette musique irrigue un courant riche plein de limons qui vient se déposer au fond de nos histoires. Sans doute cette volonté de faire se confondre les sentiers de Corrèze qui longent la Dordogne endormie avec les grands paysages grandioses des cinémascopes.
Comme disait l’autre, après tout la tristesse ce n’est qu’une vieille joie passée. Alors autant recycler nos incertitudes en gestes de libération. Autant se créer une famille aux figures anonymes.

Ne dis rien EP Alma Forrer coverS’imprégner de la musique d’un autre, que l’on soit auditeur ou créateur, c’est toujours un peu rechercher une filiation fantasmée ou bien réelle avec un autre être humain. C’est toujours quelque part poursuivre le chemin entamé par un autre. C’est prolonger un raisonnement d’analogie, un tracé de symétrie aux géométries variables.
C’est trouver un cousinage entre le Velvet Underground de Lou, le Low de Bowie et les plaisirs inconnus de Ian.
C’est soi-même y investir, y puiser des envies à soi.
Avec Alma Forrer et son second Ep, Ne dis rien, on y sent cette filiation avec un Folk qui irait de Leonard Cohen à Joe Dassin. Ce qui contribue à nous émouvoir ici, c’est cette volonté de faire fi des clochers et de leurs querelles, de ne pas hésiter à se faire confronter des univers volontiers perçus comme antagonistes car, il y a toujours un car.

Car, qu’on le veuille ou non, on distingue toujours une musique sérieuse des musiques trop populaires mais de jeunes artistes d’aujourd’hui comme Alma Forrer ou son voisin d’inspiration, Baptiste Walker Hamon, refusent de bouder ces plaisirs-là.
On retrouvera dans le vibrato de la jeune parisienne des accents de Marie Laforêt, on y devinera la patine usée de la variété française des années 70.
On y verra aussi le culot tranquille de la jeunesse à travers la reprise de Townes Van Zandt, Come Tomorrow, ici reprise en français.
Avec ce second Ep, Alma Forrer perd un peu de sa fraîcheur pour ce qu’elle gagne déjà en profondeur et en épaisseur. La faute à des arrangements tout en subtilité.
La faute à un certain Alexis Paul à la tête de son propre projet Belle Arché Lou qui laisse se diluer dans les contours fragiles de la jeune fille des armatures aériennes au goût du vent.
Quelle étrange impression de retrouver la mélancolie de nos enfances des années 70 à travers le regard et la voix d’une petite jeune fille des années 90. Comprendre que tout est continuité.

Se dégagent de ces six titres un spectre bien trop large pour seulement résumer et identifier la musique d’Alma Forrer au seul Folk. Non, c’est bien plus que cela. Parfois dans les atmosphères d’un spleen léger pour l’instant d’après rejoindre les clairières des bois qui protègent et les peurs enfantines.
Elle est belle cette scène qui d’Alma Forrer à Pauline Drand ou Claire Redor prolonge une filiation en refusant de se refuser des émotions, qu’elles soient « faciles » ou non.
Rien que pour cela, Alma Forrer, c’est un peu la petite sœur que l’on aurait rêvé d’avoir. Belle, talentueuse et ouverte à tous les horizons…

Greg Bod

Alma Forrer – Ne dis rien
Autoproduit
Sortie : 1er octobre 2015