Tindersticks – Distractions : Quand une tournée annulée laisse place à un chef d’œuvre

Depuis près de 30 ans, chaque nouvel album de Tindersticks est une agréable surprise. Si nous avions été subjugués par No Treasure But Hope paru en 2019, Distractions place la barre légèrement plus haut.

Tindersticks
© Julien Bourgeois / City Slang

Tindersticks ne cessera donc jamais de nous émerveiller.

Nos esprits avaient déjà pu être marqués par No Treasure But Hope paru en 2019, et nous frémissions d’impatience de pouvoir voir cet album joué sur scène. Ce fut chose faite pour le public parisien qui aura eu la chance de voir le groupe le 30 janvier 2020 à la Salle Pleyel, l’une des dernières dates de cette tournée annulée prématurément pour la raison que nous connaissons tous.

DistractionsMalgré cette coupure nette, le trio de Nottingham mené par Stuart Staples s’est retroussé les manches et s’est empressé de retourner en studio afin de mettre sur bande toute l’inspiration qui a émané de cette sombre et funeste année 2020.

Man Alone (Can’t Stop the Fadin), le premier titre de la face A annonce la couleur : une bass line envoûtante sur une boucle répétée pendant 11 minutes et couplée à un leitmotiv chanté en canon par Staples (« But I’m not greedy for this guy no more, this guy no more. No, I’m not greedy for this guy no more, this guy no more. Oh-oh-oh, whoa-oh ») ; c’est hypnotisant, angoissant et planant à la fois, mais surtout atypique par rapport au « son Tindersticks« , et c’est sans doute pour cette raison que l’on ne lasse pas de cette ouverture psychédélique qui aurait pourtant pu sembler interminable.

La suite mêle piano mélancolique, paroles chuchotées, beats de boite à rythme et guitare compressée, le tout pouvant honorablement faire penser à un Nick Cave post 2016 (I Imagine You, ou encore la reprise de Dory Previn Lady with the Braid).

Le noyau dur de cet album réside sur la Face B avec la sublime cover You’ll Have to Scream Louder de TV Personnalities ou encore le très touchant Tue Moi, titre écrit et chanté en français sur un unique fond de piano qui ferait, selon la rumeur, allusion à l’attaque du Bataclan en novembre 2015 (« Tue-moi, Tue-moi, fais de moi ton désir, Peau contre peau, s’entrelacer, Jusqu’à se fondre, Que nous sommes les élus, Accrochés à vos souvenirs, Nous sommes les élus, Dans un monde qui s’éloigne… ») avant d’aboutir sur le délicat et reposant The Bought Bends qui constitue une note finale parfaite.

Apart les deux reprises déjà mentionnées, nous n’oublierons néanmoins pas de citer la cover de A Man Needs a Maid de Neil Young, revisitée à la sauce cold wave et aux sonorités électro. Certains salueront le génie audacieux, d’autres crieront au blasphème. Nous préférons laisser l’auditeur seul juge… après tout, l’ambivalence reste une composante majeure de cet album singulier et de l’écoute duquel on ne peut ressortir insensible.

Nayl BADREDDINE

Tindersticks – Distractions
Label : City Slang
Date de parution : 19 février 2021