« Ennio » de Giuseppe Tornatore : un documentaire irrégulier mais d’une grande valeur

Le documentaire de Tornatore, cinéaste pour lequel le Maestro travailla à plusieurs reprises, vaut forcément le détour car il permet d’entendre Ennio le discret parler enfin de son travail. Longuement. De manière un peu technique, mais pourquoi pas ? Et ne serait-ce que pour avoir recueilli les propos de Morricone peu de temps avant sa mort, ce film a une valeur inestimable.

Ennio
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Morricone et le classique : formation et emprunts

Il y a d’abord, dans le documentaire fleuve qu’est Ennio – qui dure près de deux heures et demi -, tout ce qui concerne la formation du génial compositeur : Morricone étudia la composition au Conservatoire… pour voir ensuite son travail méprisé par ses mentors, qui considéraient que composer des musiques de films ne pouvait relever que de la commande alimentaire… Avant que les anciens finissent par bénir le moderne, en s’inclinant devant la BO de Il était une fois en Amérique. A leur décharge, les Oscars mirent encore plus de temps à honorer LE compositeur de musique de films. Les emprunts de Morricone au classique, certes bien connus, sont ici clairement documentés.

Avant-garde, Sergio Leone et variété italienne

Ennio afficheMais à côté de ces influences classiques, coexiste chez Morricone une passion pour la musique d’avant-garde : cet aspect bruitiste se retrouve ainsi dans les bruits, au tempo très musical, de l’ouverture de Il était une fois dans l’Ouest. Parmi les quelques documents liés à Leone, le plus intéressant sera celui où l’on voit De Niro tourner une scène de Il était une fois en Amérique accompagné d’une composition de Morricone, un moment qui rappelle la forte volonté de Leone de voir ses acteurs s’imprégner de la musique de ses films. Mais avant Ennio, compositeur pour Sergio Leone, il y eut Ennio l’arrangeur qui changea le cours de l’équivalent italien de la musique yé yé, une période de sa vie évoquée au travers d’interventions de figures du show business italien pour la plupart inconnues en France.

Les cinéastes, les compositeurs et la musique populaire

L’autre moment-clé du film de Tornatore est l’évocation de Morricone par les cinéastes qui ont travaillé avec lui, notamment au travers d’interventions de Roland Joffé, Oliver Stone, Bertolucci, les frères Taviani et… Tornatore lui-même. Les interventions de cinéastes plus jeunes (Tarantino) ou ayant recyclé ses scores (Wong Kar-wai) valent en revanche moins le détour, de même que les propos de collègues compositeurs (John Williams, Hans Zimmer). Le documentaire tente enfin de montrer l’impact du Maestro sur le rock, la variété et le rap, mais on aurait pu se passer de ces interventions de personnalités plus (Springsteen, Paul Simonon des Clash, Metallica) ou moins (Zucchero, Muse) talentueuses, et encore plus des samplings hip hop de l’œuvre de Morricone. Le témoignage de Joan Baez, qui considère que Morricone avait écrit pour le film Sacco et Vanzetti une chanson correspondant parfaitement à son style vocal présente en revanche un peu plus d’intérêt. Néanmoins, ce versant-là de l’analyse de Tornatore est ce que ce documentaire offre de plus dispensable…

Reste que Ennio intéressera aussi bien les passionnés de cinéma italien que les non-connaisseurs, ceux qui, simplement, ont un jour vibré sur l’un des thèmes du maître.

Ordell Robbie

Ennio
Film documentaire italien de Giuseppe Tornatore
Durée : 2h36
Date de sortie en salles : 6 juillet 2022