[Live Report] Les Eurockéennes de Belfort 2022 : Et le troisième jour le festival ressuscita

Bien que sérieusement impactée par l’annulation de deux journées (jeudi et vendredi), cette 32ème édition des Eurockéennes de Belfort a fait la part belle aux musiques urbaines et a opéré une transition salvatrice.

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Comme un ouragan. Un impressionnant déluge de pluie, grêles et vent s’est abattu sur le site, entrainant son évacuation et sa fermeture deux jours durant. Autant dire que ce samedi 02 juillet -qui affichait complet-, il y règne une ambiance revancharde. Le public hétéroclite s’est chargé de rattraper le temps perdu en occupant la moindre parcelle d’herbes fraiches et d’houblons.

Repêché du vendredi, le groupe de trash-métal togolais Arka’n ’Asrafokor mené par son chanteur Rock Ahavi ouvre le bal tel un uppercut au Covid. Les cinq musiciens ne se laissent guère impressionner et balancent des salves rythmiques radicales aux variations salutaires. Walk With Us et quelques autres titres leur ouvrent des perspectives plus larges. Le rap-game de La Fève attire un public bouillonnant. Le chapiteau se transforme en chaudron, les sons sont puissants et minimalistes, parfois un piano distille une mélancolie proche de la cold-wave, ce qui fait son originalité. Les histoires sont reprises en cœur et le public ne demande qu’à être embarqué dans cet univers à la remarquable indolence.   Mais voilà déjà que le rock- fusion de Wu-Lu tonne à la Loggia. Peu de concessions pour ces anglais qui mixent autant punk, indie et hip hop.

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Du nouvel album Loggerhead, Times et South confortent magistralement ce brassage culturel provenant du sud de Londres. A l’instar des jeunes béninoises de Star Feminine Band qui insufflent un vent de fraicheur folklorique. En pagnes colorés, les musiciennes offrent un spectacle qui mêle tradition et modernité.  Tradition dans la musique, vaguement rock sur des rythmes africains et modernité par les paroles féministes sur Femme Africaine et Peba. Avec une bonne humeur et un détachement salvateur, elles interprètent les titres de leur premier album paru chez Born Bad Records. Sur la grande scène, la valeur montante du rock français joue presque à domicile. Last Train a trouvé sa voie dans une forme de rock incantatoire et se réclame autant de Muse que de The Queen of Stones Age. Les titres joués dépassent souvent les six minutes et oscillent entre des passages calmes et des breaks très techniques annonciateurs du déluge sonique à venir. Tout ceci est parfaitement ficelé, géré et…des fois mécanique. Soit l’inverse chez les parisiens de Frustration. Ces vétérans érigent l’autodérision en art, jouent relax et tendus à la fois. Le public prend son pied et leur rend bien.

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 It’s Gonna Be The Same, Dreams-Laws-Rights and Duties ou encore Insane en ouverture prouvent que le groupe a su garder une street credibility tout en élargissant leur style.  La dénonciation de l’argent-roi  prend tout son sens sur Brume alors que des réminiscences de Joy Division / Warsaw font face au soleil tombant. Non loin, résonnent les concerts de Oboy et Tiakola. Ces deux-là hissent le rap au-dessus de la mêlée, explosent les infras basses et déroulent un flow percutant et tranquille. A côté, la scène Radar propose des DJ sets et concerts estampillés rap ou hip hop, gagne d’années en années la reconnaissance du public. Remplaçant Foals au pied levé, la fanfare proto techno Meute prend ses aises sur la grande scène. Leurs instrumentaux montent en crescendo et propulsent des étoiles dans les jambes. Les allemands annoncent clairement la tournure que va prendre le festival. En attendant, Izïa se démène sur scène. Optant pour une électro-pop dans l’air du temps, c’est de sa personne qu’elle donne le plus. Véritable pile électrique, elle tient le concert par la force du poignet. Plus loin, le véritable ovni de ce samedi s’appelle Ascendant Vierge. Combinaison rose et immenses lunettes noires pour la chanteuse, cheveux assortis pour le dj, le duo s’est trouvé et propose un mélange détonnant de pop lyrique et de techno-hardcore à l’image de leur single Petit Soldat ou Influenceur. La voix haut perchée de Mathilde Fernadez trouve son Yang avec les rythmes orientés gabber de son acolyte Paul Seul. Le set devient addictif pour cause d’improbabilité sonore. Sur la scène de la Plage, le Dj Marc Rebillet fait n’importe quoi, et on aime ça. Il n’hésite pas à s’emparer du micro pour des vocalises qui font régner le doute, puis met le boxon pour finir en calbute. Et la musique ? Une techno dingo qui tape avec quelques bidouillages hilarants et séquenceurs qui bastonnent.  22h45, c’est l’heure de l’avoine et voici la tête d’affiche qui raboule : Simple Minds. Aux côtés du chanteur historique Jim Kerr, la choriste Sarah Brown est omni présente. Car même si la voix de l’Ecossais n’est plus aussi percutante, les six musiciens font preuve d’une maitrise avec mention spéciale pour le guitariste Charles Burchill, l’autre star du groupe. Prévisible, le set aligne leurs tubes des années 80 et des titres calibrés pour les stades. Les versions de Don’t You ou Alive and Kicking sont prolongées de manière à faire participer le public, qui en redemande.

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Enfin la lune, et les Eurocks se transforment en rave géante. Sur trois scènes, les DJs se succèdent à coup de Bpm. Si U.R.Trax assume un set à la fois flamboyant et cash, que Lilly Palmer nous gratifie d’un mix bien techno-minimal, l’objectif est le même : la transe. Les différents DJs ont su tirer de leur diversité une force communicative. Paula Temple trace sa route  en mode hard-techno bien efficace alors que Paloma Colombe n’oublie pas, dans ses mixages de house pêchue, ses origines berbères en y combinant des sons percussifs.  Avant, le nickel-chrome Paul Kalkbrenner a entrainé les âmes vers une messe empruntée de douceurs électroniques aux rythmes feutrés.  Très mélodique, son électro-techno s’écoute facilement et fait dodeliner les têtes.

La promesse d’un voyage au bout de la nuit a donc été tenue.

Texte et photos : Mathieu Marmillot