[Netflix] « Bodies » : boucles temporelles emmêlées…

Bien qu’assez passionnant et donc plutôt réussi, Bodies, un polar anglais basé sur des boucles temporelles, finit par s’emmêler dans son scénario trop malin, et nous frustre in extremis…

Bodies
Copyright Matt Towers/Netflix

Trois policiers à trois époques différentes (en 1890, en 1941 et en 2023) enquêtent – chacun à sa manière et évidemment en fonction du contexte et de la société dans lequel ils vivent – sur la découverte d’un cadavre similaire dans la même ruelle de Londres. Lorsqu’en 2051, dans une société totalement bouleversée par un événement majeur survenu en 2023, une jeune policière se trouve elle aussi embarquée à la poursuite d’un mystérieux scientifique soupçonné d’être un terroriste, ces différentes histoires vont se rejoindre de manière… complexe.

Bodies afficheOn se doute qu’avec un tel point de départ, qui est tiré d’un comic book très réputé de Si Spencer – décédé en 2021 – a priori non encore publié en France, Bodies est plus une série de science-fiction jouant avec les paradoxes temporels qu’un véritable polar, et on craint vite le pire. La bonne, l’excellente nouvelle, c’est que chaque enquête permet aux scénaristes d’explorer de manière pertinente les spécificités de la société britannique de l’époque : en 2023, c’est le Brexit et le multiculturalisme d’une société sous tension ; en 1941, c’est la pression terrible du blitz qui conduit les Londoniens à se réfugier sous terre à chaque alerte aérienne ; en 1890, c’est le poids des conventions sociales qui empêchent un amour homosexuel, mais aussi la domination totale des classes supérieures sur tous ceux qui sont en dessous d’elles. Chaque enquêteur est qui plus est une personne passionnante, en dehors de son statut de policier : que ce soit Mapplewood, infirme dépendante de la technologie qui permet à sa colonne vertébrale de  fonctionner, Whiteman, le juif détesté pour ses origines mais trempant également dans des trafics peu recommandables, ou Hillinghead et son amour interdit pour un beau jeune photographe, tous sont passionnants, et leurs trajets nous offrent un espace bienvenu autour de l’histoire centrale de Bodies

… Une histoire qui s’emballe à mi-parcours et permet de déboucher sur une dernière partie réellement inattendue : au lieu d’un paroxysme de tension, mécanisme classique dans ce genre de séries, Bodies nous offre au contraire une plongée dans la psychologie du « grand méchant », et nous montre que, in fine, ce sont les sentiments humains les plus honnêtes, les plus sincères qui déferont le nœud gordien de la boucle temporelle.

Le véritable problème du scénario de Paul Tomalin, c’est que, comme 99% des récits s’aventurant sur le terrain piégé des paradoxes temporels, il lui est impossible de nous proposer une résolution parfaitement satisfaisante : finalement trop complexe, trop malin aussi, le scénario de Bodies essaie de se jouer de nous en passant outre nombre de situations illogiques, et en n’expliquant pas convenablement nombre d’événements et de faits qui, finalement, auraient pu être retirés de l’histoire. Bref, on aime beaucoup quasiment toute la mini-série, bien jouée (Stephen Graham, en particulier, est comme toujours magnifique), bien mise en scène, bénéficiant d’effets spéciaux tout à fait acceptables… Jusqu’à une fin inévitablement (?) frustrante.

Eric Debarnot

Bodies
Mini-série TV britannique de Paul Tomalin
Avec : Stephen Graham, Jacob Fortune-Lloyd, Amaka Okafor, Shira Haas, Kyle Soller…
Genre : Policier, science-fiction
8 épisodes de 55 minutes mis en ligne (Netflix) le 19 octobre 2023

 

2 thoughts on “[Netflix] « Bodies » : boucles temporelles emmêlées…

  1. Pas frustré de la fin, juste pas compris pourquoi elle se trouvait dans ce taxi (sans dévoiler la fin).
    Sinon, on comprend assez vite que l’on a affaire à une version de Dark moins complexe, moins riche et moins lente, donc moins européenne. Tout ça se tient. À partir de là, on accepte ou pas, mais y’a pas tromperie sur la marchandise.

    1. Tout à fait d’accord. En fait j’ai pensé que la série était terminée, et la présence de xxx (sans spoil) dans le taxi était une grosse incohérence, mais si l’on admet qu’il y aura sans doute une suite, une autre histoire, ça peut passer. As-tu compris le pourquoi des barres apparaissant sur les corps ? Je n’ai peut-être pas fait attention, mais je n’ai pas saisi. Et oui, Dark risque de rester imbattable pendant très longtemps !

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