L’autofictif doyen de l’humanité – Éric Chevillard

Au jour le jour, voici le journal de bord d’un écrivain qui vient d’atteindre le glorieux âge de 50 ans. Pas encore doyen mais déjà tenté par le fameux “c’était mieux avant”.

EricChevillard

Ceux qui connaissent son blog seront ravis de retrouver imprimé sur le papier ses posts mi-rigolards, mi-dépressifs, toujours très cyniques ! Pour les autres, bienvenue dans l’univers de l’écrivain – Vendéen d’origine – Éric Chevillard. Vous allez voir, il aboie fort, il mord parfois, mais finalement le garçon est un gentil. Juste qu’il aime bien bousculer son lecteur. Mais pas que ! Ses confrères auteurs également. Enfin, ceux qu’ils ne considèrent pas comme tel. Ses cibles ? Patrick Besson ou Émilie Frêche, et son p’tit “chouchou” Frédéric Beigbeder. Chevillard agace certains. Nous, il nous fait un bien fou à balancer ses vérités, toujours bien senties.

ChevillardHeureusement, le “vieux cynique” s’entoure de ses deux fillettes, Suzie et Agathe, pour éclairer de leurs saillies naïves – et donc lumineuses – les textes de leur père.
“- Quand une personne meurt, on dépose son corps dans une tombe.
– Et la tête, on la met où ?
– C’est toute la question.”
Pas gaga pour autant le papa : “- Papa ! / – Quoi ? / – Fleur ! / – Parce que Suzie n’est pas non plus géniale tout le temps.”

Son journal débute le 18 septembre 2014 pour se terminer le 17 septembre 2015. Dans ce laps de temps, un événement tragique est survenu. Le 7 janvier y est évoqué avec pudeur. “Nous avons tout de même un peu envie d’arracher là maintenant un poil à la barbe du prophète.” Pas plus. Pas moins. Éric Chevillard utilise ce journal de bord papier quand d’autres préfèreraient Twitter. Il n’est pourtant pas loin de ça. Presque dans les clous des 140 signes originels. Si seulement tout utilisateur du p’tit oiseau avait la profondeur, le cynisme et la pertinence d’Eric Chevillard

Sous ses airs faussement badins, ce journal autofictif dresse un panorama de la société mais fait aussi un état des lieux de la condition de l’écrivain. C’est sensible, intelligent et revigorant. Comme une impression de ne pas être seule au monde à penser comme cela. Comme une envie de lire et relire certains passages. Si Éric Chevillard donne l’impression de détester la Terre entière, il n’en est rien. Il charrie ses concitoyens, mais juste les cons !  Les citoyens, eux, il essaye de les bousculer pour les réveiller. Le monde va mal mais la littérature peut nous sauver. Hourra !

Delphine Blanchard

L’autofictif doyen de l’humanité
Éric Chevillard
Éditeur : L’arbre vengeur
156 pages, 15 €
Date de parution : janvier 2016