Ma’Rosa – Brillante Mendoza

Récompensé à Cannes avec un Prix d’interprétation féminine, le nouveau film de Brillante Mendoza s‘avère être au final un film assez éprouvant.

Ma' Rosa : Photo Jaclyn Jose

Cinéaste de l’espace et de la circulation des personnages, habitué des festivals, le philippin Brillante Mendoza revient avec un film qui laisse peu de répit au spectateur durant ses deux heures. La caméra portée, les plans saccadés, les zooms et les flous dans une lumière glauque et une atmosphère liquide et boueuse installent l’inconfort et le malaise, renforcés par la terrifiante histoire et ses conséquences que le réalisateur de Lola nous raconte : la descente aux enfers de Ma’Rosa et les siens. Épicière modeste, elle fait pour subvenir aux besoins de son mari et de ses quatre enfants le trafic de narcotiques. Interpellée par la police, corrompue et vénale, elle doit trouver une somme importante pour recouvrer sa liberté.

Ma’Rosa - Brillante Mendoza affiche Si dans sa manière de filmer et de suivre ses sujets dans les labyrinthes des quartiers pauvres de Manille en s’ancrant dans le réel, le cinéma de Mendoza évoque beaucoup celui des frères Dardenne, il en diffère toutefois dans l’absence totale de rédemption, de morale ou de résilience. La situation de Ma’Rosa pourrait susciter apitoiement ou empathie, mais parce qu’elle est elle-même peu sympathique, injuriant ses enfants et menant avec autorité son affaire, elle nous reste lointaine. Elle devient d’ailleurs un personnage quasi secondaire dans les séquences délirantes et surréalistes au commissariat de police et dans celles où les enfants partent à la recherche d’argent – ce qui explique assez mal le Prix d’interprétation décerné à Cannes.

Éprouvant, asphyxiant et en même temps lassant, car le scénario est, après tout, mince et n’offre guère de rebondissements, occupé à montre ad nauseam le délitement d’une société viciée et hiérarchisée où tout se monnaie dans une promiscuité que la chaleur et la moiteur paraissent exacerber jusqu’à l’explosion et le dérèglement, le film semble aussi marquer l’épuisement du dispositif qu’affectionne Brillante Mendoza. Qui récemment a davantage semé le trouble en soutenant le président Rodrigo Duterte qui autorise les forces de l’ordre et les milices à abattre les dealeurs et les trafiquants. Un trouble qui amène aussi à s’interroger sur le regard qu’il porte au final sur son héroïne.

Patrick Braganti

Ma’ Rosa
Film Philippin de Brillante Mendoza
Avec Jaclyn Jose, Julio Diaz, Felix Roco…
Durée : 1h 50min
Date de sortie 30 novembre 2016