[Live Report] Le plaisir de l’Amour et du Bruit avec LANE

Depuis 2018, deux des frères Sourice poursuivent l’aventure The Thugs en bonne compagnie au sein de LANE. Il était temps d’aller les rencontrer là où ils excellent : sur scène !

LANE à la Grange à Musique (Creil)

Vous ne connaissez pas la GAM ? Pardon, la Grange à Musique ? Pas vraiment surprenant, même si vous êtes parisien, car il faut s’aventurer au nord de Senlis, dans une zone industrielle pas des plus attrayantes de Creil, pour trouver cette superbe petite salle, qui, objectivement, a tout pour elle : une scène vaste pour les artistes et à la bonne hauteur pour le public, un son réellement excellent et des éclairages plus que corrects, sans parler, cerise sur le gâteau mais non des moindres, une équipe vraiment accueillante… De quoi faire honte à bien des soi-disant “salles de concerts” de Paris intra-muros. Et en plus, ce soir, la GAM accueille LANE, soit quand même à mon sens l’un des groupes français les plus excitants et talentueux de 2019… ceci expliquant ma découverte de ce havre de bonne musique et de bon esprit qu’est la GAM…

20h45 : Last Night We Killed a Pineapple – un nom de groupe qui vient se classer d’emblée parmi les meilleurs vus ces dernières années – est un trio venant de Amiens qui propose une musique originale, qui tente – d’après ce qu’on a pu en saisir ce soir – de croiser l’énergie grunge avec le “twang” du garage surf. Comme les trois très jeunes musiciens sont loin d’être manchots, et que leurs compositions sont fraîches et dynamiques, il est difficile de ne pas souscrire à cette jolie demi-heure un peu “amateur”, mais souriante et pleine d’énergie positive. Un vrai bémol malheureusement avec les vocaux, partagés entre le batteur (à la technique redoutable, soulignons-le) et le guitariste : ni l’un ni l’autre n’est un chanteur digne de ce nom. Même si c’est là une faiblesse malheureusement classique en France, c’est pour le coup dommage vu les qualités musicales de ce trio débutant mais prometteur.

21h30 : avec The Rebel Assholes (un nom qu’on ne peut pas s’empêcher de trouver un tantinet suicidaire si leur objectif est d’atteindre un minimum de renommée), on est clairement à un niveau bien plus professionnel : voilà un quatuor punk hardcore (ou skate punk, peut-être ?) expérimenté, dégageant la brutalité qu’il faut, et alignant une quinzaine de morceaux furibards en 45 minutes. Le bassiste mène le bal façon JJ Burnel et les deux guitaristes moulinent avec une belle efficacité. Encore une fois, les vocaux ne sont pas le point fort du groupe, mais l’énergie fait passer le tout. Par contre, une certaine uniformité des compositions empêche, à la longue, le set d’être totalement passionnant. On termine quand même par Hey You, une reprise bien sentie des Burning Heads, qui fait bien plaisir à tout le monde.

Il n’y aura malheureusement pas trop de monde pour accueillir LANE, et c’est vraiment dommage, surtout qu’on imagine que ce n’est pas tous les jours dans l’Oise qu’on peut assister à un concert de rock de ce niveau…

22h35 : LANE (c’est-à-dire “Love And Noise Experiment”, comme le rappelle Eric Sourice en présentant le groupe), c’est quand même vraiment autre chose : un mur sonore imparable, construit par trois guitares implacables, et des mélodies accrocheuses, dans la belle tradition du “noise” des années 90. Ou si l’on veut, pour ceux qui se souviennent de cette époque, c’est un peu comme si Fugazi avait fait une croix sur leur extrémisme et gonflé leur son, puis adopté les préoccupations mélodiques de Hüsker Dü. Mais surtout, c’est le retour des Thugs, de nos grands Thugs transformés en affaire de famille, puisque la famille Sourice (Eric, Pierre-Yves et leur neveu / fils Félix) s’est alliée à la famille Belin (du groupe Daria) pour ce nouveau projet, étendant au XXIème siècle la vision radicale qui fut la leur – et surtout leur assura une renommée aux USA plutôt rare à l’époque pour un groupe français.

On démarre le set avec l’irrésistible Stand qui ouvre A Shiny Day, le premier album studio du groupe : Eric a perdu ses cheveux et changé de lunettes (tu m’étonnes…), mais reste exactement identique à l’image que nous avions gardée de lui depuis les concerts des Thugs en 1994, pas forcément très souriant, mais dégageant quelque chose d’à la fois convivial et péremptoire. Devant moi, Pierre-Yves, le pied appuyé sur le retour devant lui, est l’exemple type du bassiste rock classe, et pas souriant du tout, lui… A droite, Etienne sera mon véritable héros de la soirée, ses interventions à la guitare solo élevant à chaque fois les chansons de LANE vers l’excellence.

A partir de là, LANE va nous offrir un peu plus d’une heure de rock sans concession, compact et bruyant – même si j’aurais apprécié un niveau sonore un tout petit peu plus élevé – et bourré de refrains faciles à reprendre en chœur. D’ailleurs la salle est quand même un tout petit peu plus remplie – on peut imaginer que nombre de fumeurs à l’extérieur sont rentrés attirés par le bruit ! -, et ce ne sera pas trop la honte du point de vue de l’ambiance. L’enchaînement Dirty Liar et A Dead Man’s Soul démontre d’ailleurs le potentiel – raisonnablement – commercial du groupe, qui sait trousser des morceaux accrocheurs, même si ce sont à mon goût les accélérations punks qui dévoilent complètement la puissance de frappe du groupe.

Mais c’est, comme espéré, le final sur Down The River qui est le sommet du set : voici un morceau réellement saisissant, qui s’éloigne un peu du reste des compositions du groupe, et va créer un superbe moment hypnotique, à la fois atmosphérique et excitant. Ce conte très noir d’un assassinat perpétré par des enfants nous engloutit progressivement dans un tourbillon sonore, conduit par la guitare véritablement enchantée d’Etienne, un tourbillon maléfique mais pourtant formidablement jouissif. Là, LANE est vraiment GRAND. On ne peut qu’espérer qu’ils persévéreront dans cette voie un peu plus expérimentale.

Un rappel impeccable, dont on retiendra surtout un Requiem bien obsédant, et c’est fini. On s’auto-congratule au premier rang pour avoir été là ce soir, on échange des souvenirs de la belle époque des Thugs. Une fois encore, notre foi en la splendeur de la guitare électrique sort confortée du spectacle de cette belle troupe transgénérationnelle qu’est LANE. Un groupe de notre époque, un groupe nécessaire.

Texte et photos : Eric Debarnot

Les musiciens de LANE :
Eric Sourice – voix, guitare
Pierre-Yves Sourice – basse, choeurs
Etienne Belin – guitare
Camille Belin – batterie
Félix Sourice – guitare

La setlist du concert de LANE :
Stand (A Shiny Day – 2019)
Teaching Not To Pray (Teaching Not To Pray EP – 2018)
Goal Line (Teaching Not To Pray EP – 2018)
In the Ring
Dirty Liar (A Shiny Day – 2019)
A Dead Man’s Soul (A Shiny Day – 2019)
Tea Time (A Shiny Day – 2019)
A Shiny Day (A Shiny Day – 2019)
Clouds are Coming (A Shiny Day – 2019)
Winnipeg (A Shiny Day – 2019)
Many Loves
A Free Man (A Shiny Day – 2019)
The Dice (Teaching Not To Pray EP – 2018)
Black Moon (Teaching Not To Pray EP – 2018)
Down By The River (A Shiny Day – 2019)
Encore:
Red Light (A Shiny Day – 2019)
Requiem
(Encore un Tube) (nouvelle chanson)