5+5 = les disques préférés de Perry Blake

Il aura fallu attendre presque 13 ans pour avoir des nouvelles de Perry Blake. Il donne enfin un successeur à Canyon Songs (2007) avec Songs Of Praise où l’irlandais hésite entre nouvelles pistes et clins d’œil mélancoliques à ses deux premiers disques. On a profité de la sortie de ce nouveau chapitre de l’histoire de Perry Blake pour faire le tour de ses disques de chevet, ceux de toujours et ceux du moment.

13 années d’absence ce qui équivaut à une éternité pour un musicien. Sans doute le nom de Perry Blake ne dira pas grand chose aux plus jeunes d’entre vous. Pourtant, avec Perry Blake (1998) et Still Life (1999), un avenir radieux était promis à l’irlandais. Sa mélancolie crépusculaire piochait aussi bien dans le trip hop que du côté de David Sylvian. Avec Songs Of Praise, il tente avec une belle réussite une synthèse entre son penchant voluptueux et son aspiration pour le clair-obscur.

5 disques du moment :

Exit North – Book Of Romance And Dust

C’est le nouveau groupe de Steve Jansen, le frère de David Sylvian et ex-membre de Japan avec qui j’ai collaboré à de nombreuses reprises, en particulier sur Still Life. C’est un disque très fort avec des très beaux arrangements. Un disque avec Thomas Feiner, l’ancien leader d’Anywhen. Le genre de disque idéal pour se détendre autour d’un feu de cheminée un soir d’hiver… j’imagine déjà le craquement des bûches et le crépitement du feu. Durant le processus de composition, Steve m’a envoyé ses morceaux et ce que j’apprécie particulièrement dans ce disque c’est qu’Exit North est resté à distance de toute velléité commerciale. Il faut prendre la musique qu’il propose comme elle est : à la fois accessible et riche.

London Grammar – Truth is a Beautiful Thing

La voix d’Hannah Reid me rappelle celle de Sandy Denny de Fairport Convention. Sa voix se démarque définitivement des autres chanteuses qui ont émergé ces dernières années. Quand j’écris, j’écoute rarement de la musique contemporaine, j’écoute du jazz comme John Coltrane et Thelonious Monk et quelques classiques, du compositeur estonien Arvo Pärt à Vaughan Williams. et aussi les BO de John Barry. Quand j’entends un groupe que j’aime beaucoup, j’ai tendance à tourner à l’obsession et à ne plus quitter leur musique pendant des semaines.

Portugal The Man – Woodstock

J’adore la production sur ce disque et les paroles sont bien au-dessus de la moyenne de ce que l’on attend en général de ce type d’album et de musique. Je suis dans une approche différente quand j’écoute de la musique comme celle de Portugal The Man, c’est tellement loin de ce que je compose moi-même que cela n’a finalement pas d’influence réelle sur mon travail.

Damon Albarn – Everyday Robots

Contrairement à Portugal The Man, ce disque a beaucoup influencé Songs Of Praise, pourtant je l’ai découvert un peu par hasard grâce à un ami qui a eu la bonne idée de me l’offrir en cadeau d’anniversaire à sa sortie. J’aime l’inventivité et l’éthique de travail d’Albarn, il aurait très bien pu se reposer sur ses lauriers et jouer la popstar, au lieu de cela, il se rend à son studio dans l’ouest de Londres tous les jours après avoir déposé ses enfants à l’école comme un ouvrier qui revient sans cesse à son métier. J’ai toujours bien aimé le travail de Blur. J’aurai rêvé avoir composé un titre comme Out Of Time mais je suis définitivement plus accro aux travaux solos de Damon Albarn.
J’écoute Everyday Robots tout le temps depuis sa sortie et c’est essentiellement à cause de lui que j’ai fait appel au même ingénieur du son, Kevin Metcalfe, pour masteriser Songs Of Praise. En plus Kevin a travaillé sur certains de mes disques préférés, je pourrai citer par exemple Diamond Dogs (1974) de David Bowie ou Disintegration (1989) des Cure. Kevin est encore d’une rare pertinence et d’un excellent conseil !

Gotye – Making Mirrors

C’est par Somebody that I used to know que j’ai découvert le travail de ce type. Il a vraiment un sens d’une écriture pop qui ne tombe pas dans la facilité. C’est d’une rare intelligence avec une vraie capacité à jouer avec la rupture. J’adore particulièrement le minimalisme dans certains de ses écrits. Il faut faire preuve d’une belle discipline pour parvenir à retenir son enthousiasme créatif et à réussir à ne pas inclure toutes les idées qui vous viennent à l’esprit dans le processus d’écriture ou plus tard dans l’étape de production.

5 disques pour toujours :

Miles Davis – Sketches Of Spain

Il y a quelques années, un de mes meilleurs amis m’a fait découvrir le travail de Miles Davis. Cette découverte du Jazz m’a également permis d’avoir une approche différente de l’écoute de la musique. Le Jazz, dans sa complexité, m’amène à être plus attentif à ce que je perçois car je ne comprends pas toujours parfaitement ce qui se passe et c’est justement cela que je viens chercher dans le Jazz. J’ai une anecdote sur Miles Davis justement. Miles Davis s’est plaint un jour auprès de sa maison de disques de ne pas vendre assez de disques.  C’est la réponse du label qui est assez drôle. « Ben, Miles, tu fais du Jazz quoi ! Et le Jazz ne se vend pas aussi bien que la Pop ! Il faut faire avec ! »

 Joni Mitchell – Blue

C’est par mes sœurs aînées que j’ai découvert la musique de Joni Mitchell, Blue, je ne l’écoute qu’occasionnellement. Pourtant, c’est un disque intemporel qui n’a pris absolument pas la moindre ride. Il se dégage de ces titres une profondeur émotionnelle qui ne peut être simulée. Aussi paradoxal que cela puisse paraître et sans vouloir tomber dans du cynisme, je pense aujourd’hui, une artiste de la trempe de Joni Mitchell n’obtiendrait pas de contrat d’enregistrement sur un grand label. Elle est à des années-lumière de toute volonté commerciale qui fait que, sans doute, elle ne pourrait participer à ce cycle médiatique et promotionnel. Je crois bien que dans son cas, son œuvre se suffit à elle-même.

 Kate Bush – Hounds Of Love

Hounds Of Love est sans aucun doute possible l’un de mes disques préférés de tous les temps, je viens de réaliser que la majorité de mes auteurs-compositeurs préférés sont des femmes. Quand j’ai entendu pour la première fois Cloudbusting par exemple, cela a été un vrai choc comme si l’on me sortait de tout espace-temps. Cette magie provient de tant de choses qu’il serait difficile de tout résumer mais prenez par exemple la production étonnante sur la batterie et les percussions, son choix d’instruments et l’utilisation percussive du violoncelle sur ce titre en particulier contribuent à le rendre à la fois passionnant et d’une efficacité redoutable. Je crois bien que Kate Bush n’a jamais sorti un mauvais disque. C’est ce que l’on peut appeler un parcours exemplaire.

The Blue Nile – A Walk Across The Rooftops

Je venais à peine de rentrer dans l’adolescence quand A Walk Across The Rooftops est sorti, c’est pour moi la quintessence du grand disque mélancolique. J’aime beaucoup le son minimaliste et le chant sans fioriture de Paul Buchanan. C’est un album d’une beauté douloureuse et qui a eu une influence majeure sur mes précédents albums. J’ai eu la chance d’assister à un concert de Paul Buchanan en Irlande il y a quelques années, je me souviens d’un live intense où il jouait toutes les vieilles chansons des Blue Nile mais aussi des titres extraits de Mid Air (2012), son album solo. On n’était peut-être guère plus de 1000 personnes mais je crois bien que l’on avait tous conscience de la chance que l’on avait d’être là.

David Sylvian – Secrets Of The Beehive

La musique fait partie de notre histoire intime, on a tous des souvenirs liés à la musique, que l’on en joue ou pas. Je ne déroge pas à cette règle. J’ai un souvenir directement lié à Secrets Of The Beehive. J’étais adolescent quand ce disque est sorti. A l’époque, j’avais un ami musicien, un vrai génie âgé de 17 ans comme moi qui m’a joué toutes les chansons de l’album à la guitare acoustique le jour de la sortie du disque en 1987. J’en ai encore des frissons rien que de l’évoquer plus de 30 ans après. C’est un disque qui ne m’a jamais quitté depuis. David Sylvian aurait pu devenir une immense vedette, un peu comme David Bowie mais il a préféré rester à la marge avec ses disques solo passionnants. Comme Joni Mitchell, il a privilégié la construction d’une œuvre face à des envies de reconnaissance. Après, ne vous méprenez pas, cela ne veut pas dire qu’un disque très populaire ne peut pas tendre vers une véritable créativité. Ceci dit, je trouve que la musique grand public d’aujourd’hui tend de plus en plus vers la facilité et devient de plus en plus lisse à force de vouloir plaire au plus grand nombre.
Je trouve que tout est résumé dans cet adage anglais, Camel is a horse designed by committee. En gros, on pourrait le traduire par un chameau qui aurait été conçu par un comité auquel on avait demandé de concevoir un cheval. A tellement vouloir vendre, on finit par dénaturer le « produit » final et le laisser sans identité propre.

juillet 2019

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Songs Of Praise de Perry Blake sort ce vendredi 19 juillet 2019 chez Moochin’ About.