Sopoorific – Auras Around Humans : des musique aux paysages sombres et gothiques

Alison Flora, artiste peintre de Toulouse, utilise la musique pour peindre des toiles mystérieuses, pour raconter des histoires inquiétantes et même effrayante. Sopoorific vous emmène chez Howard Phillips Lovecraft, et pas chez Stephen King. Préparez-vous au voyage.

soporiphic

Étrange que ce nom de groupe qui semble donner une impression plutôt négative (poo ? Poor ? Soporific?) alors que la musique que propose Alison Flora, l’artiste toulousaine qui est derrière ce projet, est tout sauf merdique, pauvre ou soporifique. En guise d’endormissement, c’est plutôt dans une forme de transe qu’Alison Flora essaie de nous plonger. Avec une relative économie de moyens : ce n’est donc pas de pauvreté dont il est question ici mais de minimalisme. Une musique qui assume un style dark-ambient-drone sans complexe, et qui réussit bien dans ce genre qui peut, effectivement, souvent engourdir jusqu’à l’endormissement.

auras-around-humansLes morceaux qui composent cet Auras Around Humans, ces 42 minutes de musique électro sont homogènes, consistants, témoignent d’une belle unité. Il se dégage une ambiance humide et froide, qu’Alison Flora sait quelque fois enrichir et rendre tiède et accueillante. Sur un fond de synthés qui s’étalent dans un style grave viennent se poser des arpèges plus aigüs, volutes entêtantes, et une voix voix qui marmonne-murmure des paroles sur un ton grave et inquiétant. Blessed With the Silent Rains, Gamaalan Bells ou Valley of Murder sont des morceaux particulièrement réussis dans ce genre. Des morceaux apaisés.

Ankh-Af-Na-Khonsu adopte ce parti pris mais on y trouve aussi une dimension incantatoire nette, avec une voix qui semble prier accompagnée par des tambours mystiques et martiaux ; ce n’est pas surprenant quand on sait que Ankh-Af-Na-Khonsu était un prêtre du dieu Egyptien Menthu et aussi le nom choisi par Aleister Crowley pour signer son commentaire de son Livre de la Loi. Incantation aussi sur le morceau qui ouvre l’album, Auras Around Humans. Certains morceaux sont plus chaotiques dira-t-on avec leur arrière plan de sons un peu erratiques, de blips, de grincements qui remontent du fond de l’éternité, du fond de donjons sans fond comme sur Wet Bones ou d’un espace interstellaire pas si vide (They Came From The Sky). Et puis, il y a la grâce froid et minimale d’And It Occurs When Things Are Unbalanced, un morceau au dépouillement extrême sur lequel une simple voix chante très lentement sur une nappe grave et monocorde : envoûtant, et excitant à la fois.

Alison Flora est une artiste peintre à l’imaginaire ancré dans le moyen-âge, le mysticisme et le chamanisme. Une peinture tribale et première mais fondamentalement vivante et habité – son dernier projet consiste à peindre et dessiner en utilisant son propre sang. La musique qu’elle nous propose s’inscrit clairement dans ce même projet et dans un projet pictural. Il s’agit d’une musique profondément narrative. Une musique de paysages sombres, gothiques et froids. Une musique tribale et mystique, étrange, inquiétante souvent mais pleine, riche, habitée. Une musique qui tisse une toile qui vous enserre rapidement et vous tient en elle. Une musique qui construit de grandes bâtisses vides dans lesquelles résonnent l’écho de pas de celles et ceux qui ont occupé les lieux il y a bien longtemps. Une musique qui parcourt des forêts couvertes de neiges, d’étendues froides et hantés par les âmes d’animaux qui ont disparus eux aussi.

Alain Marciano

Sopoorific – Auras Around Humans
Label : Grande Rousse disques
Date de parution : 3 novembre 2021