Projet Wolf Hunting : des litres de sang… sans surprise

Alors que son caractère gore a fait le buzz en festival, Projet Wolf Hunting arrive sur les écrans français. Pour un résultat passant plus de temps à faire couler le sang qu’à transcender ses influences vues du côté d’Hollywood et du Japon.

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Au début des années 2000, le cinéma coréen est à deux doigts de vivre ce qu’a subi le cinéma italien : s’éteindre faute de pouvoir livrer concurrence à la machine de guerre hollywoodienne. Subventions, protectionnisme, implication des chaebols (conglomérats) dans le cinéma sont ses armes. La période offrira des opportunités à ce que l’on appellera la Nouvelle Vague coréenne : de jeunes cinéastes cinéphiles lorgnant vers la virtuosité des maîtres du cinéma de genre américain tout en s’inspirant des ruptures de tons vues dans les quelques tentatives locales de Séries B des années 1960-1980 pour construire le fameux mélange des genres à la coréenne. Cette vague suscite l’engouement des amateurs de cinéma de genre asiatique pas remis de la chute de Hong Kong. Elle atteint une cinéphilie plus généraliste grâce au Grand Prix cannois d’Oldboy (2003). Enfin, la Palme d’or de Parasite (2019) peut être considérée comme le sacre en mondovision de cette vague de cinéastes.

project wolf hunting afficheEt bien sûr les apports de cette vague de cinéastes se retrouvèrent convertis en formule par l’industrie locale. Justement, pendant que Park Chan-wook et Bong Joon-ho disposent désormais de leur place réservée sur la Croisette, des cinéastes injectant du sang neuf dans la formule peinent à émerger. Arrivant sur les écrans français après sa présentation à l’Etrange Festival et au PIFFF, Projet Wolf Hunting ne changera pas vraiment la donne. Le film a la facture technique usuelle du cinéma populaire coréen contemporain : une photographie léchée et une stylisation flirtant avec le clinquant. Le montage bourrin en mode un plan/un coup des bastons rappelle que la bagarre est plutôt le forte du cinéma hongkongais des années 1980-1990 que de son petit frère du matin calme.

Mais le principal problème du film est que cette fois le recyclage et le mélange des genres à la sud-coréenne ne génèrent pas de surprises assez significatives. L’exposition de la première moitié est, en dehors d’une courte scène annonçant le reste du film, du mille fois vu de huis clos maritime avec flics ne faisant pas dans la dentelle et criminels au casier judiciaire fourni. Certains dialogues semblent avoir été entendus quinze fois dans un blockbuster hollywoodien. Seules singularités : le grand nombre de personnages présentés et le surjeu d’une partie du casting évoquant celui souvent vu dans les versions live de mangas. Et surtout un niveau de gore expliquant sans doute l’engouement du public des festivals spécialisés.

Le retournement à mi-parcours fait quitter au film un terrain balisé… pour un autre terrain balisé. Petits clins d’œil à Predator et Robocop… Mais surtout une narration qui aurait repris à celle de la franchise jeu vidéo Resident Evil son caractère répétitif. Du coup cela neutralise le charme que pourrait avoir l’exagération gore encore plus présente qu’au début : un peu comme chez Woo les flingues tirent plus de balles que ce que peut contenir un chargeur, la quantité de sang coulant d’un corps humain est nettement supérieure à celle qu’un corps peut contenir dans le monde réel. Et sur la fin le film twiste, fait un flashback explicatif dont on pourrait commenter en souriant les implications géopolitiques… pour expédier le dénouement.

Un peu comme le taïwanais The Sadness, Projet Wolf Hunting vaut le coup d’œil pour le cinéphile de genre à la recherche de son Bad Taste annuel. Pour ce qui est du renouveau du cinéma de genre coréen, c’est une autre histoire.

Ordell Robbie

Projet Wolf Hunting
Film coréen réalisé par Kim Hong-seon
Avec Seo In-guk, Jang Dong-yoon, Jung So-min…
Genre : Epouvante, horreur, Action
Durée : 2h01min
Date de sortie : 15 février 2023