Tous les albums de Tintin : 4. Les Cigares du pharaon (1934)

Amis lecteurs, asseyez-vous, vous partez pour la Grande Aventure. Hergé et Tintin sont pressés, le rythme des Cigares du pharaon tient plus de celui du Tour du monde en 80 jours de l’ami Jules Verne que du voyage organisé contemporain.

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©Casterman / Hergé

Alors qu’il n’a que 25 ans – un âge où je commençais à peine à gagner ma vie – Hergé se lance dans son quatrième album. Ses progrès, aussi bien à la table à dessin qu’à l’écriture de son histoire, sont fulgurants. Tintin ne se contente plus de visiter un pays exotique afin de complaire à l’abbé Wallez ; il se lance dans une quête qui l’amènera à découvrir, excusez du peu, l’Égypte, l’Arabie et l’Inde ! Ce sont les trois plus belles destinations d’un tourisme – nous sommes en 1932 – réservé à une infime minorité. Nos aïeux ne voyageaient que par les livres et les revues, les romans feuilletons et les reportages.

Les cigares du pharaon couverture originaleÉditée en 1934 en noir et blanc, la version initiale comptait 124 pages. Le studio d’Hergé rependra l’album, en 1955, pour livrer une version colorisée, et plus aboutie, de 62 pages. La réduction de format s’effectue par le passage de six cases à douze cases par planche. Le dessin d’Hergé a muri, il est désormais capable de proposer de très belles scènes de foule, une mer déchainée, une ville arabe crédible ou un inoubliable signe mystérieux, le royal sceau de Kih-Oskh.

Pour la dernière fois, Hergé improvise. Il n’a pas rédigé de scénario, mais débute l’histoire en plaçant ses héros, comme pour Le Congo, sur le pont d’un paquebot. Le navire est en partance pour Shanghai. Tintin sympathise avec Philémon Siclone, un égyptologue aussi érudit que farfelu. Nous retrouverons ce savoureux cocktail dans quelques années chez ce cher Tournesol. Le savant affirme avoir découvert le site du tombeau du pharaon Kih-Oskh. Tintin propose son aide, l’aventure est lancée.

Avec sa statuaire, ses sarcophages et ses salles monumentales, la séquence égyptienne, qui pourtant ne compte que cinq pages (vous irez vérifier…), est magnifique. Le pays est à la mode : le lectorat du Petit vingtième se souvient de la découverte, douze ans plus tôt, de la tombe de Toutânkhamon, puis des mystérieux décès qui décimèrent l’équipe réunie par Lord Carnavon. Par chance, Tintin ne craint pas les malédictions : il ressortira vivant, bien que ligoté, du tombeau.

Deuxième innovation, Hergé travaille ses seconds rôles. Souhaitons la bienvenue à Rastapopoulos, futur génie cosmopolite du mal, au sympathique commerçant Figueiras et au fabuleux duo comique des Dupont et Dupond. Les faux jumeaux sont curieusement affublés, dans la version de 1932, des patronymes de X33 et X33bis. À l’image de la Comédie humaine de Balzac, Hergé pose les jalons d’un univers persistant qui ancrera ses albums dans un imaginaire véritablement immersif. De fait, dans la version moderne, vous aurez même le plaisir de retrouver cette vieille fripouille d’Alan, le félon du Crabe aux pinces d’or !

Les cigares du pharaon couverture actuelleTroisième trait de génie : Tintin se voit imposer un adversaire à sa taille, une société secrète internationale de trafiquants d’armes et d’opium ! De vrais méchants !

J’allais oublier le radjaïdjah. Enfant, le poison-qui-rend-fou me fascinait. Siclone et Zlotsky, l’écrivain tristounet, n’étaient pas fous, mais, tels des gamins, inconséquents, joueurs et soumis à l’autorité des adultes. Considéré comme incurable, ce poison ne terrorisait que les grandes personnes !

Ce Tintin encore précoce ne s’embarrasse guère de vraisemblance. Avouons que cela ne m’a jamais gêné. Les grincheux objecteront qu’il charme des éléphants à la trompette, taillée à l’opinel dans un tronc d’arbre, qu’il capture un tigre à mains nues (pour ceux qui se souviennent de Tintin au Congo, le progrès est manifeste), qu’il passe d’Arabie à l’Inde en deux cases et un court vol de biplan, ou que les Dupondt ne cessent de tomber du ciel…

Je préfère retenir que Tintin est, à jamais, mon héros, qu’il est courageux et malicieux, qu’il ridiculise les méchants et la soldatesque lancée à ses trousses, que les Dupontd sont follement drôles et que les grenades peuvent être à retardement.

Stéphane de Boysson

Les Cigares du pharaon
Textes et dessins : Hergé
Éditeur : Casterman
124 pages, dans la version en noir et blanc de 1934
62 pages, dans la version colorisée de 1955

1 thoughts on “Tous les albums de Tintin : 4. Les Cigares du pharaon (1934)

  1. Bravo pour ces articles sur Tintin! un régal… en tant que lecteur depuis l’âge de 7ans, et filant vers les 77…, Tintin a accompagné ma vie, je dirais. et votre lecture de l’œuvre me paraît juste et éclairante.
    Merci

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