Bibio – Silver Wilkinson

Si le printemps et les beaux jours se montrent fuyants, l’été est certainement caché pas loin, prêt à débarquer et ce nouvel album de Bibio s’en fait l’ambassadeur parfait.
On aurait envie d’ajouter « comme d’habitude » tellement chaque nouveau disque du musicien anglais se fait complice avec délice de la belle saison, les auditeurs qui succombèrent à son irrésistible Ambivalence Avenue d’il y a quatre ans s’en souviennent encore.
Mais ici, pour quel régal ! Car sur ce sixième album et troisième publié chez Warp Records, la musique citadine et rurale de Stephen James Wilkinson atteint un épanouissement lumineux, bande-son délivrée avec toute l’expertise du maître en tissages sonores qu’il est devenu.
Un couturier minutieux à  la délicatesse et la précision d’orfèvre, qui tisse au point de croix ses patchworks de field recordings, samples divers, électronica et folk champêtre avec l’amour d’un grand artisan généreux.
On entre aisément dans la musique accueillante et ouverte à  tous les vents de ce touche-à-tout curieux, tant sa bienveillance et son talent naturel pour évoquer en nous des sensations impressionnistes relève d’une vraie grâce.
Après l’expérience de Mind Bokeh en 2011 qui le voyait explorer des sons plus synthétiques et digitaux, Silver Wilkinson est un retour en beauté sur ses terres d’élection, toujours à  l’aise entre prairies du Pays de Galles, fugues électro, rivières frémissantes, abstract hip-hop jovial et cieux étoilés.
Avec le retour au premier plan de son instrument préféré la guitare, celle là -même sur laquelle il a toujours bâti des compositions aériennes dignes de l’école du folk anglais de Canterbury, type Fairport Convention.
Partante pour explorer un versant atmosphérique plus contemplatif, sa vieille amie lui fait signer parmi les plus délicates et ciselées des ballades entendues cette année, poétiques échappées entraperçues à  travers une légère brume (Dye The Water Green, Mirroring All) ou célébrer l’espoir et la fragilité des premières fleurs (The First Daffodils).
Comme une abeille qui fait son miel de tout, l’anglais fureteur au timbre élégant refuse de choisir entre folk rêveur à  la John Martyn (parfaites Sycamore Silhouetting ou Raincoat), électro malicieuse à  la Four Tet ou ambient à  la John Hopkins (emballantes You et Look At Orion!) et se rapproche, en teintant ses morceaux d’une humeur plus méditative (Wulf), des songeries guitaristiques du taciturne Vini Reilly de The Durutti Column, fraternelle référence.
Ce livre d’heures, élégiaque dentelle aux milles facettes, évoquerait en fait autant les promesses du printemps que les premiers frimas de l’automne s’il ne renfermait cette perle destinée à  devenir l’hymne de l’été : la succulente À Tout À l’Heure, fantaisie pop dansante au parfum hellénique et au joyeux refrain, célébration de la pure joie de l’instant.
Silver Wilkinson (terme qui désigne une mouche artificielle pour la pêche aux saumons) porte bien son nom. Sensitif, bucolique, limpide et délicat, cet opus addictif résonne déjà comme le plus accompli de son auteur, discret musicien mais grand artiste, un des plus créatifs de la période.
Une fois pris dans les filets de ce doux génie, sensible coloriste des sentiments, vous ne voudrez plus en partir et contrairement à  son admirable titre final You Won’t Remember, vous vous en souviendrez longtemps.
Beau, très beau disque.

Franck Rousselot


BibioSilver Wilkinson
Label : Warp Records
Date de sortie : 13 mai 2013

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