C’est la reprise pour nous, et si l’année 2023 est du niveau de cette release party du nouvel album de James Yorkston, plus qu’aidé par la divine Nina Persson, elle sera sacrément belle !
Quelle meilleure reprise possible que cette Release Party du nouvel album de James Yorkston, musicien (et écrivain, ce qui n’est pas à négliger, et se voit dans les paroles de ses chansons) écossais, dans le cadre accueillant de Supersonic Records ? Qui plus est, on ne se couchera pas tard pour autant, le set débutant à 19h30.
Et Supersonic Records est bondé ce soir, ce qui tend à prouver que l’idée était bonne ! Ou bien alors c’est le fait que le nouvel album de Yorkston avec The Second Hand Orchestra bénéficie de la participation active de la quasi-légendaire Nina Persson (mais si, vous la connaissez avec The Cardigans !) qui a attiré bien des mélomanes. Les « Bonne année ! » et les bises claquent de toute part, l’ambiance est à la camaraderie, ce qui convient parfaitement à un set de James Yorkston…
19h30 : Nous n’avons pas droit ce soir à l’intégralité du Second Hand Orchestra, mais seulement à un trio : James – assis au piano pendant la première partie du set – et Nina sont accompagnés uniquement par Daniel, bassiste et co-producteur de l’album. Il s’agit seulement du second concert donné sans le groupe… « Ce qui explique que nous ayons parfois l’air d’idiots », plaisantera Yorkston : car il faut savoir que James balance des vannes avec une régularité métronomique, ce qui doit quelque part lui permettre de prendre un peu de distance en public avec la belle sincérité, le bel intimisme de ses textes (tout du moins, on le voit comme ça…).
« This year, out of all the years, I wish to share / I cannot see the age in you, if I am not here / Tell me each footstep of your adventures / The small events that change you » (Cette année, de toutes les années, je souhaite partager / Je ne peux pas voir l’âge en toi, si je ne suis pas là / Raconte-moi chaque pas de tes aventures / Les petits événements qui te changent) : An Upturned Crab, chanté à deux voix – celle de Nina, sublime, parfaite, et celle de James, fragile, dérapant parfois, mais très touchante – ouvre la soirée, et définit ce qui sera l’atmosphère principale, tendresse, délicatesse, avec une pointe bienvenue de dérision, de second degré, qui empêchent les chansons de se cantonner dans un registre de folk classique et de bon goût.
D’ailleurs, il ne faut pas négliger l’aspect très pop, très évident des mélodies de Yorkston, illustré dès le second morceau, un Peter Paulo Van Der Heyden irrésistible avec ses « LaLaLa » que tout le monde a envie de chanter même sans connaître la chanson. A la fin, James ironise : « J’espère que ça ne sera pas utilisé pour une pub, et que ça ne me rendra pas riche… » : pourquoi pas, James, pourquoi pas, en fait ? Mais Yorkston pratique systématiquement l’auto-dérision quand il s’agit d’évoquer le manque de succès populaire et la vie difficile des musiciens : à la fin du set, pour un Hold Out For Love il est vrai très accrocheur, il lancera un « Ce titre a été publié il y a quelques semaines, et ma vie a changé depuis : je vis dans un château avec un jeune éphèbe qui me nourrit de chocolat… ».
Le trio interprétera en une heure l’intégralité du nouvel album, à l’exception du morceau récité, The Great White Sea Eagle (qui donne son titre au disque), James passant à la guitare acoustique pour la dernière partie du set. Les spectateurs, qui pour la plupart ne connaissent pas le disque qui sort officiellement deux jours plus tard, sont de plus en plus enthousiastes au fur et à mesure que James et Nina déroulent des chansons à la beauté parfois saisissante. Et puis, comment ne pas rire aux blagues de James ? Un James qui explique qu’il a rajouté un « Yeah » à la fin du titre de Keeping Up with the Grandchildren, Yeah pour faire plus « rock », s’agissant quand même d’une chanson sur la chute de Brian, qui a un prénom pas très « punk » et qui a 92 ans. Un James qui raconte qu’il n’aimait pas trop Paris parce que lors de son premier concert ici, on lui a fait boire de « l’onion beer » (c’est quoi, ça ?).
Et puis c’est le rappel (un « Encore » que James nous explique en grimaçant être un vieux mot de la langue anglaise !), qui est l’occasion de nous révéler que Daniel est en fait le « fils de Satan » ! C’est A Hollow Skeleton Lifts A Heavy Wing, commencé un ton trop bas, mais qui s’avère en live d’un lyrisme puissant, bien plus impressionnant que dans la version plus soft de l’album. Et qui contient des phrases aussi terribles que : « You’ve reached half way for better or worse / If the first half was rough, oh the second is a curse ! » (Vous avez fait la moitié du chemin pour le meilleur ou pour le pire / Si la première moitié a été difficile, oh la seconde est une malédiction !). Pas drôle comme vision de la vie ? Et si c’était en fait pour cacher cette tristesse, voire ce désespoir, que James a autant recours à l’humour ?
Cette belle soirée se termine par une interview, une session de questions ouverte au public, puis une dédicace de l’album. Mais le plus important a bel et bien été l’échange de sensations, de sentiments qui a eu lieu entre deux artistes exceptionnels et nous.
Bonne année 2023 !
Texte et photos : Eric Debarnot