[Interview] Franck Annese : « Avec EMPRS, on a une tendresse pour la lose »

Producteur multi-casquettes, Franck Annese, que l’on connait surtout pour les magazines So Foot, So Film ou Society, joue aussi au sein du groupe EMPRS. À l’occasion de la sortie de leur 1ᵉʳ EP 4 titres, on lui a posé quelques questions.

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Non content d’être un parton de presse (So Foot, So Film et Society...) et de label (Vietnam) comblé, Franck Annese se lance avec quelques potes dans le grand bain du rock avec EMPRS où il joue de la guitare. Le groupe a sorti un Ep 4 titres en mars dernier sur Vietnam. On lui a posé quelques questions pour nous parler de ce nouveau projet et d’autres choses encore…

Comment est né le groupe EMPRS ?

Franck Annese : Au départ, c’est Lucas (Posson) qui avait envie de se remettre à la musique. Il m’a demandé si je pouvais lui prêter une guitare, et on a fini par se faire des petites sessions avec nos potes Julien (batteur) et Ludo (bassiste). Comme les reprises d’Arctic Monkeys, ça va cinq minutes, on a décidé de faire nos propres morceaux et de trouver un chanteur. Flo the kid est arrivé dans la bande comme ça, on voulait un rappeur, avec Lucas, on avait en tête un truc à la Loser de Beck qui mélange indie rock et hip-hop… C’était parti…

Pour l’instant, vous avez sorti un EP, qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?

On sort un double album de 20 titres le 6 octobre 2023. On commence un peu fort, ah ah ah !

Envisagez-vous de faire de la scène ?

Oui, on joue au Trabendo le 25 octobre et il y a des dates qui vont suivre !

Tu as 46 ans, c’est pas un peu tard pour se lancer dans l’univers du rock ? 

Ah ah ! Je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir mon âge ! Je jouais dans 51 Black Super avant, avec les gars de H-Burns, un putain de groupe de garage, je conseille de réécouter cet album éponyme de 2015… en attendant un deuxième album avec 51BS j’espère, et encore avant dans d’autres groupes (WLSG avec Julien, notre batteur, déjà, etc.). Je n’ai jamais été un très bon musicien, mais j’ai toujours joué plus ou moins dans des groupes… et là, pour EMPRS, j’avais pas mal de chansons que j’avais faites pour une fille géniale qui s’appelle Nadège. C’était la première fois que j’écrivais des chansons pour quelqu’un… On les a faites évoluer avec Lucas, qui avait aussi des morceaux de son côté… à la fin, on aurait sans doute pu faire un disque de 30 titres !!

Vos influences sont plutôt à aller chercher dans les années 90 (Beck, Sparklehorse..) Qu’avait de plus cette décennie par rapport aux autres selon toi ?

Sparklehorse, c’est plus une reférence à moi, pour les compositions personnelles… Pour EMPRS, je dirais qu’on est plus influencés par des groupes comme Bran Van 3000 ou les groupes du label Anticon… entre autres… mais nos influences sont assez diverses : Lucas vient plus de l’électro et en matière de rock, il est plus Fontaines D.C… Moi, je viens plus du rock indé de Pavement, du folk de Sufjan Stevens ou Elliott Smith, et du hip-hop nineties US (The Pharcyde and co). Julien vient du stoner et, bizarrement, adore Queen, d’où le nom du groupe (EMPRS veut dire Empereurs), Ludo vient aussi de l’électro et Flo a sa carrière solo de rappeur. Les années 90 ce sont les grandes années de la lose, donc je m’y retrouve pleinement, et je pense qu’on a tous, dans ce groupe, une tendresse pour la lose… on n’aime pas trop la win… d’ailleurs le disque parle surtout de lose et en cela il est assez nineties, même si les sonorités sont parfois très 2023, notamment parce qu’on voulait bosser avec un producteur bien ancré dans les sons actuels, en l’occurrence un mec qui s’appelle Marlin.

Tu as créé So Foot, So Film et Society, avec le succès que l’on connait, tu as travaillé comme journaliste, auteur pour la télé… tu as créé un label musical… en quoi toute cette expérience accumulée (notamment avec Vietnam) peut avoir un impact sur la manière d’envisager l’aventure musicale avec EMPRS ?

En vrai, je ne pense pas que cela ait une réelle influence, même si, avec Vietnam, j’ai beaucoup appris en passant du temps en studio avec les groupes, et aussi en faisant 51 Black Super. EMPRS, c’est d’abord un groupe de potes, mais on le fait très sérieusement : on a passé énormément de temps à faire les morceaux avec Lucas, puis avec Marlin en studio pour que le son soit celui qu’on avait en tête, Flo a passé beaucoup de temps à trouver comment kicker sur des morceaux qui n’étaient pas forcément faciles à appréhender pour un rappeur, Ludo ou Julien ont peaufiné leurs lignes, bref, c’est pas « juste pour s’amuser », et à la limite s’il y a un point commun dans tout ce qu’on fait c’est qu’on est assez exigeants dans tout, et qu’on est bosseurs. On n’est pas des génies, on est peut-être un peu laborieux parfois, mais on ne lâche rien sur nos exigences, et quand tu es cinq dans un groupe, c’est forcément une belle matière à débats…

Je t’ai découvert dans « La Bande à Bonnaud » (en 2007 je crois), tu y tenais une chronique foot « décalée ». Est-ce qu’on t’a déjà proposé de faire de la radio ou de la télé, d’être à la tête d’une émission ? Est-ce une aventure qui pourrait te tenter ?

Oui, on m’a déjà proposé, plusieurs fois, j’ai toujours refusé pour l’instant. Peut-être plus tard, mais pour l’instant, j’ai plein de trucs à faire… Et puis je ne sais jamais trop de quoi demain sera fait, j’ai beaucoup d’envies et j’ai la chance de pouvoir faire plein de choses très différentes et d’être entouré de gens que j’aime, donc pour l’instant je n’ai aucun besoin d’aller faire de la télé ou d’animer une émission. Mais si ça se trouve il y aura un projet dans quelques mois qui me plaira et je dirai « oui »…

Tu t’es également lancé dans le cinéma, tu as produit le film Méduse. As-tu des projets en cours ou à venir dans l’univers de la fiction ciné, télé ou du documentaire ?

Oui, on a plusieurs séries en développement, on bosse aussi sur le prochain film de Sophie Levy qui a réalisé Méduse. On a plusieurs documentaires également qui vont sortir sur France TV et Canal… on sort en moyenne 3 ou 4 documentaires par an… Pour le cinéma et les séries, c’est nouveau, ça prend du temps, mais c’est super excitant… Méduse ça a été une super aventure, le film a été récompensé partout dans le monde et plébiscité par les médias, je pense qu’on a assisté à la naissance d’une grande auteure et cinéaste, et j’ai hâte qu’on puisse tourner puis montrer son prochain film.

Tes multiples casquettes te laissent-elles le temps pour aller au ciné, voir des séries, lires des romans ou écouter de la musique ? 

Oui, bien sûr ! Je regarde pas mal de séries, là, j’attends un peu pour attaquer la saison 4 de Succession, j’essaie de ne pas me faire spoiler, mais j’ai adoré les 3 premières saisons… j’ai beaucoup aimé aussi Les Hautes Herbes sur Arte, et globalement les séries Arte sont vraiment cool… Chez HBO, j’ai détesté les épisodes de The Idol que j’ai vus pour l’instant, c’est vraiment gênant… Ces derniers temps, j’ai lu beaucoup de livres de sociologie, les livres d’Eva Illouz notamment, mais aussi des livres sur le féminisme, donc j’ai lu peu de romans, mais j’en ai une demi-douzaine qui attend impatiemment… et en musique, j’écoute un peu toujours les mêmes choses, mais ces derniers temps, pas mal de Murat parce que son décès m’a fait un choc, je réécoute beaucoup Aphex Twin aussi… j’ai bien aimé également le dernier H-Burns, qui est très réussi, et évidemment, je me repasse Sparklehorse tout le temps… J’ai aussi découvert Ariel Tintar que j’aime beaucoup, et je conseille le dernier album de J.E. Sunde  (NDLR que l’on a chroniqué récemment) qui est un génie absolu pour moi. Son dernier album tourne en boucle chez moi… c’est fou le talent de ce mec…Les morceaux Turn the radio on et You don’t wanna leave it alone sont des classiques. Bon, je dois avouer que je réécoute tout le temps son I don’t care to dance qui est l’un des plus grands morceaux du monde. Ses textes sont vraiment d’une justesse imparable…

Propos recueillis par Benoit RICHARD – juin 2023 –