[Netflix] « Heart of Stone » de Tom Harper : panne d’intelligence (artificielle)…

Quand on ne pense pas que ça soit encore possible, Netflix réussit à toujours faire pire : car si Agent Stone n’a rien d’un film, même tout juste correct, son scénario prône sans vergogne notre soumission à l’intelligence artificielle. Consternant !

Agent Stone
Gal Gadot – Copyright Robert Viglasky/Netflix

On sait que l’un des éléments en jeu dans la bras de fer entre acteurs et scénaristes, d’un côté, et studios hollywoodiens, de l’autre, est la question de l’usage de l’IA dans le cinéma de demain. Le visionnage du très mauvais Heart of Stone (Agent Stone en français, ce qui nous prive du puissant jeu de mot original !), le nouveau vaisseau amiral du « cinéma grand public » chez Netflix, nous donne envie de dire que l’IA est plus que probablement déjà responsable des scénarios des films qui ont vocation de devenir des blockbusters (ou tout au moins leur équivalent sur une plateforme de streaming…). Car Heart of Stone n’est qu’un long recyclage sans imagination de scènes déjà vues chez James Bond et surtout dans Mission : Impossible (qui est clairement le modèle et donc la cible pour Netflix). Et car les quelques êtres humains sensés animer un peu l’action – une action quasi ininterrompue, les scènes de transition étant raccourcies en dépit du bon sens, ce qui permet de faire l’impasse totale sur les déplacements (absurdes) des personnages à travers le monde, et la simple logique (absente) des décisions prises par les uns et les autres – manquent justement totalement d’… humanité. Ou si ce n’est pas une IA qui a pondu ce film, les producteurs n’ont en effet pas besoin de payer des scénaristes en chair et en os pour produire ce genre de trucs !

Agent Sone afficheL’histoire de Heart of Stone en deux mots : Rachel Stone est une agent travaillant pour The Charter, une agence ultra secrète « faisant le Bien quand les gouvernements n’en sont pas capables » (on retrouve le principe de Citadel chez Amazon Prime, les plateformes se copiant entre elles sans vergogne). Stone a infiltré clandestinement le MI6, mais suit dans ses missions les directives de l’IA (pardon, du super ordinateur quantique de The Charter, machine toute puissante et infaillible, pouvant prédire avec précision le futur proche). Ce jusqu’au jour où toute son équipe est éliminée et qu’elle comprend qu’elle est la cible d’un super méchant !

On reconnait ici une situation similaire, mais diamétralement opposée à celle du dernier M:I, l’IA étant présentée dans Heart of Stone comme bienfaitrice de l’humanité : à travers un système de surveillance généralisée, d’accès libre à toutes les données personnelles, ainsi que de privation de la liberté individuelle de décision, on nous explique que l’IA est désormais nécessaire à la sécurité planétaire. Et si Stone, « rogue agent » à la manière d’Ethan Hunt, se rebelle contre sa hiérarchie, c’est pour mieux la protéger. C’est ainsi que le film passe du stade de gaminerie anodine – tant il se regarde sans générer en nous le moindre stimulus émotionnel, ni le moindre intérêt – à celui de belle saloperie : ce que nous dit Heart of Stone, c’est que nous ferions bien, face aux dangers du monde, de confier tout de suite et les yeux fermés notre destin à des gens non élus qui nous surveilleraient en permanence à l’aide de la dernière technologie disponible !

Après, on peut aussi faire une critique de Heart of Stone comme s’il s’agissait d’un « vrai » film, et déplorer la mise en scène de Tom Harper (Peaky Blinders...) qui échoue à filmer les combats et les cascades (sans doute quasiment toutes digitales) de manière lisible et impactante, les effets spéciaux qui piquent régulièrement les yeux (en particulier la scène loufoque du dirigeable), les acteurs qui, dans l’ensemble, s’ennuient tellement devant les stéréotypes qu’on leur donne à interpréter qu’ils peinent à montrer le moindre signe de vie (d’ailleurs pourquoi se payer une actrice du calibre de Glenn Close pour la liquider après deux phrases et trois minutes à l’écran ?). Oui, c’est vrai, Gal Gadot est bien jolie, mais absolument pas crédible lorsqu’elle distribue de grosses mandales (le syndrome DC ?).

Bref, Tom Cruise peut dormir sur ses deux oreilles, même avec l’âge qui avance, son savoir-faire quand il s’agit de nous offrir un « cinéma de papa » qui soit spectaculaire, divertissant et pas trop stupide, est loin d’être menacé par les IA de Netflix et consorts.

Eric Debarnot

Agent Stone (Heart of Stone)
Film US de Tom Harper
Avec : Gal Gadot, Jamie Dorman, Alia Bhatt, Sophie Okonedo
Genre : action, thriller
Durée : 2h02
Date de mise en ligne (Netflix) : 11 août 2023

4 thoughts on “[Netflix] « Heart of Stone » de Tom Harper : panne d’intelligence (artificielle)…

  1. « Gal Gadot est bien jolie, mais absolument pas crédible lorsqu’elle distribue de grosses mandales. »

    Elle a pourtant effectué deux ans de service militaire en tant que « fitness combat coach », un poste qui consiste littéralement à enseigner aux soldats comment distribuer des mandales. Il faut croire que ça ne transparait pas beaucoup dans son jeu d’actrice. C’est un peu préoccupant, en effet.

    1. Je pense que ça dénote la grande faiblesse de la mise en scène, en fait !

  2. 《Oui, c’est vrai, Gal Gadot est bien jolie, mais absolument pas crédible lorsqu’elle distribue de grosses mandales (le syndrome Marvel ?).》

    Je suppose que vous vouliez dire « Syndrome DC » (Wonder Woman ne faisantt pas partie de l’univers Marvel)? Quitte à critiquer encore et encore le jeu de cette actrice, autant être totalement précis dans votre argumentation et ne rien omettre, comme vous l’a fait remarquer le précédent lecteur. Vous me direz que c’était une expression ou une manière de parler mais étant donné votre travail, je pense que ce qui importe (parfois) sont les éléments factuels.
    Cordialement

    1. Merci, je corrigerai. Et je suis conscient que ce genre d’imprécision trahit mon indifférence vis à vis de la plupart du cinéma de super-héros. J’en ai quand même vu une bonne vingtaine, j’imagine, mais je n’ai apprécié que les classiques, j’en ai bien peur.

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