Grosse déception, ce qui n’est d’ailleurs pas surprenant, avec la mini-sére animée Netflix « inspirée » du Combat des chefs : pas grand chose à sauver dans cette succession laborieuse de gags prévisibles et usés inscrits à l’intérieur d’un scénario maladroit. Pour nostalgiques uniquement !

Astérix et Obélix sont fatigués : héros d’un autre siècle, ils n’ont pas grand chose à nous dire de nos vies en 2025, et rajouter à la nostalgie bien vaine qui les maintient « commercialement » en vie l’ancienne « recette magique » de Monsieur Chabat, qui avait fait de son Astérix et Cléopâtre une jolie petite réussite, s’apparente au mieux à un emplâtre sur une jambe de bois.
L’histoire, usée autant que les autres, du Combat des Chefs, est plus ennuyeuse qu’autre chose : elle est loin d’être la meilleure de la « période classique » scénarisée par le talent de Goscinny, mais elle tenait au moins la route logiquement et… « psychologiquement » dans l’album. Les modifications apportées par Alain Chabat et ses co-scénaristes dans la dernière partie de la mini-série, autour, justement, du « combat des chefs », sont très maladroites, incohérentes et invraisemblables en terme de logique du comportement des personnages, et détruisent la dynamique du récit. De la même manière, même si elle est plus réussie, l’idée du prologue (tout le premier épisode) nous dévoilant la création de la potion magique par Panoramix et la fameuse « chute d’Obélix enfant dans la marmite », allonge de manière artificielle une histoire dont on a hâte qu’elle démarre…
… Et ce n’est pas l’accumulation de références « geeks » et l’actualisation des calembours autour des noms des personnages, qui se concentre sur le monde digital (« Wikipedia ? Non, Metadata !« ), qui pourront nous amuser plus qu’une paire de minutes sur les interminables trois heures que dure Astérix et Obélix : le combat des chefs. Vues et revues, les péripéties poussives qui émaillent le long tunnel de banalités qu’est cette mini-série datant clairement d’une autre époque, animée de manière banale et déguisée de couleurs flashy écœurantes, ne volent jamais bien haut. Les doublages vocaux manquent autant de dynamisme que de fantaisie, plombant de nombreuses scènes, et il n’y a guère que les scènes de bagarre – elles aussi sans surprise – qui créent un peu d’excitation à l’écran.
Le pire est évidemment la part « nostalgique » du projet : on retrouve les habituelles remugles réactionnaires lorsqu’il s’agit de célébrer une fois de plus la « résistance » face à l’envahisseur et les traditions gauloises… tellement « supérieures », évidemment, à celles de nos voisins italiens : la conversion finale du personnage féminin / féministe de Metadata aux charmes de la vie – osons utiliser le terme usé, mais très approprié ici, de la « beauferie » – française est assez ahurissante. Le pire est néanmoins le fait que, lors de ce dernier épisode catastrophique, Chabat gâche à coups de bons sentiments la seule vraie idée qu’il a eue : faire de César le dictateur impérialiste, antipathique et cruel, qu’il était réellement. La déception est ainsi totale !
Bref, Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs est un véritable marasme qui nous arrachera à peine quelques sourires.
Eric Debarnot
La série est mauvaise mais la dernière partie de votre analyse l’est toute autant.
Chabat ne met pas en scène d’éternels « remugles réactionnaires » et ne se fait pas le chantre de la supériorité culturelle française. C’est tout le contraire.
Comment n’avez-vous pas compris qu’il ne s’agit pas ici de la France et de Rome, mais de la civilisation occidentale face au tiers-monde. Le dominant face au dominé. L’occident étant incarné par Rome,sophistiqué, technique et avide de puissance face aux bons sauvages que sont les gaulois.
D’ailleurs, le dernier épisode de l’œuvre met en scène une critique acerbe de l’universalisme à la Française. Rome ne se contente pas seulement de conquérir la Gaule, elle veut subsumer sa culture, jugée inférieure, sous la sienne. ( La mère de César : « Une fusion gallo-romaine, c’est quoi ? Mélanger des choses très bonnes avec des choses très mauvaises ? ») . Le personnage d’Aplusbegalix, indigène, devenu gallo-romain zélé est constamment tourné en ridicule : pas très fin, instrumentalisé par les romains pour arriver à leurs fins : s’il n’était pas blanc, à gauche, vous appelleriez ça un bounty, mais là effectivement il eut fallu produire une analyse, c’est plus simple quand il suffit de s’appuyer sur les couleurs. Car au fond cette série suinte le décolonialisme. Le discours final de Metadata face à César est on ne peut plus explicite. Sa conversion aux mœurs gauloises n’est rien d’autre qu’une invite au spectateur à être un transfuge pour les siens.
Quant à César, il incarne jusqu’au bout l’occidental fat et vaniteux : même vaincu par les indigènes ayant brisé eux-mêmes leurs chaînes,il tente d’apparaître comme le maître de la situation en leur accordant une liberté qu’ils ont en fait déjà reconquise.
Vous et Chabat êtes d’accord et vous ne vous en apercevez même pas. Chapeau l’artiste.
Excellente analyse, qui ne m’était en effet jamais venue à l’esprit. Je ne suis pas complètement convaincu que là ait été l’intention de Chabat, mais je veux bien le lui accorder. par contre, ayant connu la France des années 60 en première main, je peux vous assurer que ce n’était pas là l’intention de Goscinny (qui est un artiste que j’admire, là n’est pas la question). Du coup, sans doute que mon analyse de l’époque a contaminé mon analyse actuelle !! En tout cas, ravi d’avoir des commentaires aussi riches et stimulants que celui-ci ! merci !